« N’importe qui peut compatir aux souffrances d’un ami, mais il faut une nature très noble – en fait celle d’un véritable individualiste – pour se réjouir de ses succès. » Oscar Wilde (L’âme humaine)
Le terme d’égoïste se précise ici en celui d’individualiste. Voilà qui confirme la validité de la notion d’incomparable avancée la dernière fois.
En effet, qu’entend Wilde par véritable individualiste ? Non quelqu’un qui ferait fi de la présence des autres, refuserait d’entrer en relations avec eux. Il désigne une aptitude à l’autonomie, qui va de pair avec la précieuse qualité spinoziste d’acquiescentia in se ipso.
Comment ça c’est quoi ça que c’est ?
« La satisfaction de soi (acquiescentia in se ipso) est une joie née de ce qu’un homme se contemple lui-même ainsi que sa puissance d’agir. » (Éthique Partie 3 définition 25)
= je me contente (au sens fort) d’être qui je suis. En somme l’inverse de ce qu’en psychanalyse on appelle faux self.
Le véritable individualiste n’a besoin de personne pour se sentir quelqu’un, voire parfois quelqu’un de bien. Il n’éprouve donc pas le besoin de se grandir aux dépens d’autrui, de ce qu’autrui a, est, ou fait. Il est peu passible de tendance à la comparaison. Et par là peu accessible aux sentiments de jalousie.
Une comparaison et une jalousie qui, on le sait bien, sont exacerbées par la proximité. Le footballeur évadé fiscal trouve grâce aux yeux de qui nourrit de la rancoeur envers son voisin qui s’est payé une nouvelle bagnole.
C’est pourquoi « On peut toujours être gentil avec des gens dont on se moque totalement. » (Le Portrait de Dorian Gray), tandis que « Il est bien difficile de ne pas être injuste envers ceux que l’on aime. » (Le Critique en tant qu’artiste)
Bon chocolat crémeux : l’aménité de Spinoza et l’amertume subtile de Wilde…