« L’humanité se prend trop au sérieux. C’est le péché originel ici-bas. Si les hommes des cavernes avaient sur rire, l’Histoire eût été fort différente. » Oscar Wilde (Dans la conversation).
Dans le film La Guerre du feu (JJ Annaud 1982) (référence antédiluvienne j’en conviens) à un moment les trois guerriers Oulhamr, partis en quête du feu pour le compte de leur tribu, bivouaquent. Avec eux une jeune femme d’une tribu plus évoluée qui sait allumer le feu, elle. Ils l’ont sauvée des gros méchants anthropophages, les Kzamm.
Par hasard, (éboulement de terrain je crois), l’un des guerriers reçoit sur la tête un caillou, et la femme éclate de rire devant son air con. Perplexité chez les mecs.
Puis l’idée fait son chemin, tandis que le petit groupe poursuit le sien. Si bien que lors d’une halte suivante, l’un d’eux (un ancêtre de Chaplin qui sait) décide de rejouer le gag.
Il balance une grosse pierre sur la tronche du copain installé un peu plus bas. Et tout le monde se bidonne, y compris l’intéressé tandis que le sang lui dégouline du front.
Le problème des hommes des cavernes n’est probablement donc pas de n’avoir pas su rire. Ni à proprement parler qu’ils aient apprécié même les gags un peu saignants. Le problème c’est quand certains se sont mis à trouver le gag encore plus drôle quand ça saignait. Le problème suivant c’est que d’autres encore n’aient plus trouvé drôle que ce qui saignait.
On me dira : mais non, le seul problème c’est les grosses pierres. On va quand même pas s’empêcher de les ramasser, non ?
Analogie entre du sang qui coule et un rire qui éclate: dans les deux, c’est la vie qui s’exprime (comme on exprime, expulse un liquide de l’éponge qui l’enferme). Mais une différence notable, un contraste : quand on a trop ri, on reprend son souffle, trop saigné, on le perd.
Intéressant. Voilà qui ajoute des connotations fort suggestives à la petite scène du film. Du coup, je vois aussi une autre différence notable : le sang coule sous l’effet d’une disons pression directe (et souvent disons inamicale) exercée sur ladite éponge, alors que le rire (hormis le cas des chatouilles) n’a pas besoin du contact direct pour fuser.
Après je me demande s’il vaut mieux mourir de rire ou d’hémorragie ? Ou « à la grande rigueur ne pas mourir du tout » comme dit l’immortel Brassens.
Non on ne va pas s’arrêter de ramasser les grosses pierres, faut faire des maisons et des sculptures…On peut essayer de ramasser plus de mots dans sa p’tit’ tête, apprendre l’humour qui ne détruit pas, car les mots aussi sont de fichues pierres qui font mal, voire tuent…
On peut rêver, s’activer à ses rêves…