Au hasard Balthazar polonais et contemporain
du cirque on passe à la civilisation capitaliste/industrielle
les hommes sont des bêtes qui hurlent lors des matchs boivent des bières et ont visages défigurés
les bêtes sont des bêtes devenues nocturnes pour s’abstraire de l’anthropocène
et cela donne une épopée nocturne et fantastique dans les bois
musique fantasmagorique regard de l’âne
et tous les mystères dans les sous-bois ou les rivières
quand l’âne libre
au nom-onomatopée comme un cri
après le haras enfermés à tourner les chevaux
les manèges puis les hangars industriels les camions transportant
la future viande
abattoir final coup de feu fermeture au noir
les portes claquent
même les cliniques vétérinaires enferment
cages de renards menaçants en ombres chinoises
animaux effrayés effrayants destinés à devenir fourrures trafics capitalistes en tout genre
et l’âne erre de patrons en hangars
et l’âne est notre regard qui voit visages humains gueulants enfermants
finalement au hasard Balthazar en pire
le monde capitalise a industrialisé la mise à mort du vivant l’anthropocène s’est accentué la méchanceté
est devenue planifiée technique opérationnelle
l’homme cartésien domine l’univers il arraisonne
l’animal et l’âne c’est facile
l’âne en dessous du cheval en dessous de l’homme
finit avec un jeune décadent qui a dilapidé sa mère voire inceste
seules les marges peuvent se charger de l’âne éternel
l’âne battu l’âne porteur de charge l’âne muet sinon
braiement de solitude
l’âne le bonnet d’âne la caricature de la douleur de l’animal
finir en salami au milieu des troupeaux parcours zigzaguant entre barrières pour entrer en l’abattoir
même les activistes pour le bien-être animal ont tout faux
la main féminine qui le caresse n’est que l’exil de l’Eden
dans la lumière rouge artificielle d’un cirque ou autre
des flashs de la mémoire sensitive
des flashs de tendresse et de danse
spectacle dansé entre corps de la jeune fille et l’âne beauté
des gestes des corps humain/animal
le vivant tombe alors dans l’exploitation capitaliste du vivant
le monde meurt l’âne avec le rendement
ou bien l’onirisme nocturne d’un bois anonyme
ou une éolienne qui arrête de tourner et tourne le paysage autour
artifice de cinéma ou rêve adjacent
des lasers flash verts dans la nuit des chasseurs de loups
même les fermes pédagogiques coupent les dernies arbres ne font plus que semblant
traverser la forêt sombre comme passage initiatique toutes les bêtes hululent en silence
les poissons tropicaux tournent en rond en aquarium
les anarchistes coupent les cordes mais c’est inutile
le destin se charge alors de rouer Eo de coups
le destin comme un groupe de néo-nazis
devient alors un robot électronique à quatre jambes qui chancellent tombent les quatre pattes en l’air
l’animal devenu robot dans douleur
hors nature pure technologie de la souffrance
la science-fiction de l’humain
hors nature hors forêt sans plus de conte ni d’enfant ni de cirque
le chauffeur du camion pour l’abattoir tente d’abuser sexuellement de la migrante noire puis est égorgé par un autre
la bestialité humaine tourne en boue
pendant ce temps Eo voit le monde à travers les raies de lueurs d’un camion sur l’autoroute avec la musique métal du chauffeur
l’humain c’est aussi un grand barrage qui canalise les eaux-nature
la bestialité est une perversion extravertie de l’animalité
sans paroles ou presque le film-épopée
le parcours initiatique d’une âne
que l’œil de la caméra soit l’œil de l’âne que
l’artificialité du cinéma se fasse
l’humble servante de la nature de la blessure de la nature
Balthazar dans le capitalisme technologique Balthazar
un demi-siècle plus tard quand
la biodiversité a été détruite quand l’homme
a assis davantage son pouvoir d’homme et que l’âne
a disparu de toutes les campagnes quand
l’âne a vécu son pire destin d’âne quand
la passion du Christ-âne à la Bresson a basculé
dans la mort technologique
stroboscopie baroque de notre destruction planétaire
rouge sang rouge image orgie
de chocs de plans de saccages industriels
le cinéma un demi-siècle plus tard
les procédés du cinéma contre l’humanité même
l’art à l’âge industriel qui dénonce l’industrie même
le retournement de l’humain sur lui-même
la contradiction des douleurs la fluctuation
de l’odyssée moderne et mortelle
d’après Eo, Jerzy Skolimowski, 2022