Hasart XII°s de l’arabe az-zahr = le dé, par l’espagnol azar.
L’étymologie, ça en raconte des histoires … Rempart de forteresse XII°s, soleil de plomb, les guetteurs tuent le temps (faute de mieux) en jouant aux dés. Même soleil, rempart d’en face, d’autres guetteurs tuent le même temps par le même jeu. Un jour ils décident de se défier en tournoi amical. Et puis la compétition, le point d’honneur, la fièvre du jeu : on en vient aux mains, on juge indécent de les laisser nues, on les équipe d’épées et cimeterres.
De la suite de l’histoire nous ne retiendrons que le positif : les langues sont spontanément accueillantes, et pratiquent volontiers le métissage. Elles.
I JEU. 1 vx Jeu de dés en usage au Moyen Âge ; coup heureux à ce jeu (le six). 2 Jeu de hasard, où le calcul et l’habileté n’ont aucune part (dés, roulette, baccara, loterie).
Aucune part : quoique. Il arrive que le calcul et l’habileté fassent jeu égal avec le hasard, comme dans la séquence de Rain Man où Dustin Hoffman compte les cartes. Quant à dire que sortir un six est un coup heureux à tous les coups ? Exemple dernier tour de Yam il vous manque les un et vous ne sortez que des six (en plus de n’avoir pas de chance vous êtes nul en stratégie).
Bref il y a fort à parier que Robert n’est pas un pratiquant assidu des jeux de hasard. On va pas le lui reprocher, il a d’autres qualités, mais il perd quelque chose.
Car sans dédaigner les jeux où calcul et habileté ont leur part, il faut reconnaître que jouer avec le hasard c’est un tout autre frisson, c’est poser au destin la seule question qui vaille : est-ce que tu m’aimes ?
II UN HASARD. 1 vx Risque, circonstance périlleuse voir danger. « Être, mettre au hasard, en hasard »: s’exposer, exposer à un risque, un péril voir hasarder.
MOD Les hasards de la guerre. (tiens justement on en parlait).
2 Cas, événement fortuit, concours de circonstances inattendu et inexplicable. « Quel hasard ! » (ça c’est de l’exemple, ça ajoute vraiment) voir coïncidence. « C’est un vrai, un pur hasard » rien n’était calculé, prémédité. « Ce n’est pas un hasard si » c’est une chose qui était prévisible. (Encore l’opposition calcul/hasard : quand il tient un truc il enfonce le clou) (même si c’est discutable) (mais soit Robert est dico pas traité de philo). En fait il est à fond dans les oppositions binaires comme le prouve la suite.
Heureux hasard voir aubaine chance veine occasion, hasard malheureux voir accident déveine malchance. Carré, net, en noir et blanc. Remarquons cependant : pour occasion ou bien il s’est pas creusé pour chercher un contraire, ou bien il ne la conçoit que bonne (optimiste, Robert) (il a jamais dû acheter de bagnole d’occase).
Mais bon, comme souvent il donne le meilleur dans les citations. Merveilleux hasards, ceux qui agissent avec précision (Robert Bresson) : un paradoxe bienvenu pour racheter les simplifications ci-dessus.
III LE HASARD. Cause fictive de ce qui arrive sans raison apparente ou explicable, souvent personnifiée au même titre que le sort, la fortune etc.
De la succession Grandeux Grantrois on déduira que chaque un hasard trouve sa cause dans LE hasard. Cause fictive mais personnifiée. Dans le mot hasard survit quelque chose du rapport primitif à un monde censé être régi par des divinités aux desseins mystérieux et inflexibles. Voilà qui illustre la remarque de Freud : Les mots de nos discours quotidiens ne sont rien d’autre que magie décolorée (Traitement psychique, article de 1890).
Au même titre que le sort, la fortune, etc. Voilà un etc qui ne contient pas grand chose (destin, chance, et ?) Je ne ferai pas à Robert l’injure d’y voir une insuffisance de précision et de recherche (pour tout dire une vieille flemme). Je crois plutôt qu’il s’agit d’un réflexe superstitieux : ne pas risquer le courroux du dieu Hasard pour avoir oublié l’un de Ses Noms. Robert peut toujours arguer que tout est dans « etc. »
Comme il y avait dans certaines cités grecques, en plus des autels élevés aux dieux répertoriés & homologués, un autel au dieu inconnu. On sait jamais …
À la rubrique des citations, on a un Condorcet très spinoziste : Cette cause nécessaire et inconnue que l’on nomme hasard.
Suivi des incontournables : Tout ce qui existe est le fruit du hasard et de la nécessité (J. Monod). Un coup de dés jamais n’abolira le hasard (Mallarmé).
Quant à L’organisation du monde exige que la matière s’abandonne aux jeux de hasard (H. Reeves), n’est-ce point une réponse implicite (et polémique) de Robert au fameux Dieu ne joue pas aux dés d’Einstein ?
Sinon on reste baba d’apprendre qu’en SPECIALT DR hasard signifie cas fortuit. On sera pas venu pour rien.
Enfin Robert conclut ce Grantrois par : PHILOS. Caractère de ce qui arrive en dehors de normes objectives ou subjectives, ce qui est moralement non délibéré.
Amis de la prise de tête, bonjour !
Occupez agréablement vos insomnies à
1)définir les mots norme, objectif, subjectif, moralement, délibéré
2)établir le schéma de leur mise en relation.
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