Quant au sujet, au matériau narratif, j’y ai adopté une approche documentariste, sur la triangulation enfant/parents mis en huis-clos, m’octroyant une prise de recul sur ce qui m’était à la fois le plus accessible et le plus proche, dans une revendication assumée du format de la saynète : Pas la scénette, hein? La saynète ! « Qui désigne une courte pièce comique sans prétention, avec peu de personnages, un sketch. » Les strips se sont ainsi agglomérés au fur et à mesure, pas à pas, peu à peu, puis page par page…

Prenant l’entonnoir à l’envers ; du particulier au général, je n’ai effectivement jamais eu le loisir de réfléchir à l’ouvrage dans sa globalité, introduisant par l’élément perturbateur tout en ignorant l’épilogue… Un enchaînement de péripéties, en somme, avec le pari qu’elles se tuilent dans un spectre narratif plus large… L’aventure ici est dans les petits riens… Pas une planche n’a été faite d’une seule traite, ni le jour même… Que des rebonds… Sans doute une déformation venue de mon activité picturale ; en strates, voire en tas, où les fragments s’imbriquent, comme des particules de poussières qui s’agglomèrent en moutons afin d’en composer un troupeau dont je serais le berger de Panurge…

Une pelote de nœud à dénouer, pour parvenir au fil linéaire du flux narratif…
Aussi le déroulement fut saccadé, une planche est un segment dans le temps. Un sédiment. Certaines s’étalent sur plusieurs semaines, souvent introduites par de courtes notes au critérium forcées quotidiennement, et des idées premières souvent  maladroites, de fragiles intuitions, à réécrire un peu chaque jour pour y  dénicher ce qui permet d’oser le graphisme ; puis la valse des gommes, des retouches, des rajouts, des repentir, des ratures, des rustines… Et des rehauts… J’y  ai donc travaillé comme dans l’atelier, par couches d’état d’esprit, par strates  d’intentions… J’ai eu des soirées, des séances de travail entièrement dédiées à un unique traitement ; passant de page en page, distribuant tour à tour de courtes mono-manies; monochromie, lavis-bichromes, crayonnés, dessin-feutre, dessin-pinceau, indélébilisation des textes, etc… Ça a sans doute généré un liant entre toutes ces particules. Un passage entre les limites qu’impose la case… Je note toutefois ces étranges planches venues de l’abstraction… Où sans la moindre idée de texte, je posais quelques couleurs-traitements, qui déjà composaient l’espace, le séquençaient via la densité des couleurs et la circulation du regard, narraient hors les mots et l’image ; pré-disant, pré-textant…

Et j’avoue (avec le recul) que la bouée du début de ce projet, cathartique et contenante, est devenue à la longue un boulet plombé par la lourdeur du devoir-faire. Mais c’est le poids de la finition, celui de  l’aboutissement (je le croise à chaque ouvrage, dès lors que la lubie imaginée, irréelle et onirique, bascule dans le concret). Sans doute aussi cette échappée imaginaire dans l’intérieur confiné avait perdu de sa superbe quand, arrivé au déconfinement, je n’en avais abouti que la moitié des pages, et balbutié plus ou moins clairement les suivantes, et qu’il m’a fallu y travailler encore 2 mois, alors que le réel et les urgences terre-à-terre ré-émergeaient… Le temps, quoique compressé, s’était élargi… Et l’épure moins naturelle…

Ce fut toutefois une belle expérience, une longue performance, un message écrit à Juno et Audrey, à ma famille, ainsi qu’aux autre familles, un témoignage, un clin d’oeil, un croche-pied-de-nez, et de manière plus personnelle, une focale faite sur un minimalisme constructif dans mes recherches plastiques et textuelles.

Je ne souhaite pas pour autant avoir à réaliser un second tome !

4 Commentaires

  • L'heveder dit :

    Quels sauts de l’un à l’autre, de pics en vallées. C’est léger, j’aime bien.

  • Laure-Anne F-B dit :

    Bravo pour cette persévérance!
    C’est un plaisir de voir ces planches en grand, et plus lisibles que sur instagram.
    Et ça m’intéresse de lire le chemin laborieux aux moyens pauvres de leur réalisation : ça se confirme souvent, certaines contraintes donnent des ailes !
    Oui dans ces jours de confinement, beaucoup ont cultivé le désert et il y a poussé de beaux épineux…
    Que dire néanmoins quand nous replongeons dans les froides ténèbres de novembre et que le repli s’impose à nouveau?
    Mais là les crèches sont ouvertes… La peinture, peut-être, t’attend ? A moins qu’il n’y ait un après en carême de peinture?

    • Salut Laure-Anne, la lisibilité aide à voir, je te l’accorde! Et… Il n’y a pas de carême de peinture! La peinture ne m’attend pas ; j’y suis! On en a déjà discuté; peindre, dessiner, c’est pareil…. Écrire aussi… Et le mélange de tout ça est extrêmement comblant, pour ma part! La diffusion et le monde qui l’environne m’intéressent moins, par contre… Le mandala demeure… Biz! (et merci pour ton acquisition de ma BD!, Hein?)

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