Sédiment bien gardé

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C’est assez rare que je réussisse une aquarelle du premier coup de pinceau. Bien souvent, c’est une longue série d’expérimentations qui me guide doucement vers l’aquarelle que je vais retenir. Si parfois le processus s’affine d’essai en essai et poursuit une évolution plutôt linéaire qui creuse puis confirme une piste, il se trouve d’autres fois que je change de procédé, voire de couleur, en cours de route pour tenter d’approcher la peinture projetée depuis un autre angle. C’est un peu ce qui s’est passé pour Tondo n°31 dans la réalisation duquel j’ai été orientée par des réflexions et des décisions que je vais essayer de partager.

Un test de la couleur nommée Hematite Genuine sur mon papier aquarelle m’a spontanément évoqué le souvenir d’une œuvre de Bernard Guerbadot, découverte dans l’exposition L’art dans ses passages (1) : un forme ovale de plâtre blanc contenant deux pôles circulaires d’un noir profond dans une matière très grasse, qui semblent tendre la forme à l’horizontale. Si ma couleur m’y a fait penser, c’est qu’elle se déploie en une multitude de teintes et de texture, dont une très lisse et claire, une autre sombre et granulée, puis des aplats mats d’un noir profond. J’ai souhaité rendre un hommage au camarade disparu. Comment m’y prendre ?

Hematite genuine

Une toute première approche – assez littérale mais permettant de commencer – m’a amenée à créer moi-même une forme ovale sur un grand format rectangulaire, puis à verser de la couleur à l’endroit des pôles. Peu convaincue du résultat en raison du manque de contraste entre le clair et l’obscur, j’ai réalisé un second essai, me concentrant uniquement sur les pôles circulaires sans esquisser la forme ovale, puis en redressant mon support au cours du séchage afin de faire s’écouler le liquide depuis les centres peints. L’effet obtenu était certes intéressant mais le fait d’avoir situé deux petites formes isolées dans un grand format me semblait trop éloigné du corpus de mes aquarelles pour pouvoir l’intégrer.

A suivi une longue pause qui m’a un peu fait oublier cette idée, puis un regard porté sur l’essai n°2 lors d’une visite d’atelier me pousse à reprendre ces recherches. Dans la mesure où les mouvements des particules de cette couleur s’étendent dans un champ relativement restreint, j’ai opté pour mon petit format – rond – , celui des Tondi, pour la deuxième série d’expérimentations.

(1) L’art dans ses passages, sous le commissariat de Tristan Trémeau, 2004, Galerie Pitch, Paris.

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(photos © Gabriele Chiari)

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