Sédiment bien gardé

2

Au fil d’une première et longue séquence d’essais, j’ai essayé de révéler la fracturation de la couleur en appliquant des coups de pinceaux d’abord répétés et réguliers, puis de plus en plus gestuels même si cela va à l’encontre de mon habitude de tracés neutres ne reflétant que peu ou pas d’expression dite personnelle. Lorsque je pose le pinceau sur le papier, les particules lourdes sédimentent immédiatement, créant souvent un gris très foncé, puis en étirant la couleur, la teinte devient plus claire, se nuance en fonction de la direction du geste de la main, granule parfois et laisse une marque à nouveau un peu plus foncée à la fin du geste. Les tracés ondulés se côtoient et interagissent, se superposent ou s’effacent. Dans certains essais, des auréoles de couleur rouille ajoutent un niveau de lecture supplémentaire. L’essai n°6 montre le stade le plus abouti de ces recherches.

Mais pourquoi ne l’ai-je pas retenu comme œuvre ? Je l’ai souvent regardé en espérant pouvoir le valider car par certains aspects, il me plaît bien : j’apprécie le mouvement fluide du pinceau, la densité du noir par endroits et son contraste avec les lumières. Il y a une grande variété de textures – veloutée, granulée, caillée – quelques petites réserves blanches faisant apparaître la teinte originelle du papier car non recouverts de peinture, et de petites flaques de couleur rouille cernées d’un noir très net, qui ouvrent comme une fenêtre sur la peinture. Cette teinte surprenante est d’ailleurs liée au fait que le minéral broyé pour créer cette couler contient du fer.

Et pourtant, malgré le plaisir que je ressens à contempler cet essai, un sentiment d’insatisfaction quant au geste de l’artiste et au travail de la couleur m’a empêchée de considérer cet essai comme l’aquarelle recherchée. J’ai ressenti le besoin de continuer à creuser cet écart entre les aspects divergents de la couleur et de mettre en lumière ces petites touches de couleur rouille. De trouver aussi un principe qui organise davantage les gestes de peinture. J’ai réalisé cinq essais supplémentaires, plus décevants les uns que les autres, en partie parce que la couleur ne voulait plus agir, migrer, granuler de la même façon.

.

.

(photos © Gabriele Chiari)

Laisser un Commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.