P. H-SC : Uncrowned est sorti en décembre 2018. Comment en vient-on à composer une heure de musique ?

Mister Crown : Sachez tout d’abord, Pierre, que je n’ai aucune formation en musique et que, néanmoins, j’en fais beaucoup. L’expérience a commencé en novembre 2017 lorsqu’une amie m’a demandé de jouer du piano à son mariage : celui-ci avait lieu le mois de mars suivant. Je n’avais jamais joué de piano de ma vie. J’ai acheté un clavier et m’y suis mis tout seul…

P. H-Sc : Un clavier ? Un piano à queue ?

Mister Crown : Trop cher et trop volumineux, hélas ! Je me suis contenté d’un MPC, d’un Music Production Center. C’est un appareil numérique comprenant un petit clavier, un sampler -une banque d’extraits musicaux- une mémoire où enregistrer la musique qu’on est en train de composer et des commandes pour la retravailler. Avec cet appareil, je pouvais reproduire les sons d’une grande variété d’instruments, que j’ai commencé à explorer. Mais la qualité des timbres, trop éloignée des sons naturels des instruments, trop artificielle, m’a déplu. Par curiosité et par envie, mais sans projet arrêté, j’ai alors décidé d’acheter des instruments -guitare électrique, violon, piano (droit!)- et en ai fait l’apprentissage quatre heures par jour, sept jours sur sept !

P. H-Sc : Et ?

Mister Crown : Et comme j’aime écrire des histoires et que le cinéma m’inspire beaucoup, une chose entraînant l’autre, en mai 2018, deux mois après le mariage (où j’ai joué quatre morceaux, dont une composition personnelle), j’ai sorti Caligula (disponible sur ), un premier album de quarante-cinq minutes ! J’étais heureux d’avoir réussi à le faire, mais n’en étant pas satisfait, j’ai aussitôt entrepris un deuxième opus…

P. H-Sc : Quand on écoute Caligula, on est frappé par l’organisation très claire, puisque cet album alterne avec régularité morceaux parlés et musicaux dans une sorte de progression narrative. Il n’en va pas tout à fait de même pour Uncrowned.

Mister Crown : En fait, l’organisation de Caligula s’est décidée sur un coup de tête moins d’une semaine avant la date de sortie annoncée…

P. H-Sc : Une inspiration subite !

Mister Crown: Oui, n’est-ce pas ? Car les morceaux parlés n’étaient pas prévus à l’origine. J’étais au Québec et Mathilde, une amie, était à Düsseldorf en Allemagne. Nous les avons écrits en une soirée via une communication Internet et Loreen, notre voix, qui vivait aussi en Allemagne, (mais bien sûr pas à Düsseldorf…) les a enregistrés sur téléphone. Les compositions musicales accompagnant la voix m’ont coûté deux nuits blanches et beaucoup de café noir… Quant à la pochette, elle a été dessinée par Théo et Yosso grâce à un travail intense. Il est vrai que l’organisation d’Uncrowned n’est pas aussi limpide que celle de Caligula mais elle est, je dirai, plus subtile : j’ai voulu organiser un jeu d’échos entre les messages et les thématiques abordées.

P. H-Sc : Oui, voudriez-vous nous donner un exemple ?

Mister Crown : Bien sûr ! Prenons les deux pièces intitulées Fireflies II et Say my name. Elles traitent toutes deux d’apartheid. Dans la première, l’injustice personnifiée raconte que sa puissance devient chaque jour plus grande. La seconde dévoile un des mécanismes par lesquels s’exerce l’injustice, celui qui consiste à déposséder un être humain de son nom, et, plus généralement, de son identité.

 

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