HARDY, l’improvisation.
Pierrick Hardy Acoustic quartet
L’Ogre intact
Une musique de chambre actuelle, ouverte à l’improvisation, qui s’inspire autant de littérature, de peinture, que d’autres formes, en six titres qui prennent le temps d’exprimer toute leur éloquence. Avec ce vaste terrain d’expérimentations qui ne sont jamais illustrations sonores, mais des tableaux/paysages, c’est à son musée imaginaire que le guitariste Pierrick Hardy nous renvoie avec son quartet, composé de l’intrépide Catherine Delaunay, une clarinettiste qui joue aussi du cor de basset, le violoniste Régis Huby et le contrebassiste Claude Tchamitchian. Mû sans doute par des découvertes, des chocs esthétiques assez forts pour fertiliser son inspiration, Pierrick Hardy balaie large, de la pratique ancestrale du théâtre kabuki pour le premier titre, avec les effets de masque d’« Avant dire/Tamasaburȱ » à la pose hiératique d’ Eléonore d’Aragon sculptée par Francesco Laurana, sans oublier les fresques du XVème d’une inexorable et convulsive danse macabre.
Chant sombre, plus instinctif de la basse qui pose les fondations, plénitude des cordes de la guitare qui s’autorise des incursions en terres “trad”, embardées libres et volontiers dissonantes du violon, mélodieux contrechants de la clarinette qui peuvent enfler en tourbillons, guident aveuglément sur le chemin de la narration, du drame même, suivant l’argument évoqué dans chaque histoire; souligné habilement en ruptures douces, presqu’imperceptibles, murmures méditatifs qui se brisent en silences, soupirs délicats, ou soudaines irruptions de vifs éclats de glace, d’arêtes tranchantes. Les harmoniques se tordent mais la musique circule sans cesse dans ces échanges successifs, sur les arrangements précis et nerveux du guitariste. Il joue aussi de la clarinette pour créer de nouvelles atmosphères, autrement timbrées, marier cordes et bois, mais aussi pour construire et déconstruire, souffler et apaiser. Ainsi virevolte-t-il dans la rigueur, tiraillé entre diverses polarités, mû par l’élan rythmique vital du jazz, la mélodie fraîche du folk, les écarts du contemporain, au delà de la sensibilité et du lyrisme, contrôlant les dérèglements qui ne vont pas jusqu’au free cependant.
Un album spontané et fraternel qui exalte la rencontre, loin des commencements qui sous-entendaient des promesses accomplies à présent, continuant infatigablement l’aventure d’un groupe soudé. Des personnalités affirmées qui se soumettent volontiers à une écriture qui révèle une structure rigoureuse et dense, tout en donnant l’impression d’une création aussi continue qu’imprévisible.
Oui, ça fait vraiment envie !
Petit clin d’oeil amical à l’ogre intact…
D’autant que devant cette sculpture anti boise, il a fallu afficher la précaution « Ceci est une oeuvre d’art. Ne pas escalader ».
Renvoi à une discussion de ce site….