Andrea Franco est née à Cuba en 1991 et vit aujourd’hui en Argentine, à Buenos Aires. Elle publie des poèmes et des nouvelles dans diverses revues. Hélène Davoine traduit ici quelques extraits d’un ensemble intitulé Ceremonias.

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A GALOPE
Atravesé el campo abierto
a galope a pelo sobre una yegua
toda blanca y la panza
entre mis rodillas firmes.
Ellos miraban de lejos
una lady godiva
un jinete sin cabeza
una ilusión que atravesaba la tierra
y bajaron sus periódicos
soltaron las mandíbulas
mientras yo zigzagueaba limoneros.
Esa semana me caí tres veces
pero ni una
dejé que alguien me viera.

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FOSA
Enterramos al sapo
le dimos
besitos en la boca
un conjuro
en medio del humedal
cavamos a cuatro manos
una forma de unirnos
a toda esa tierra
arenosa
el viento ágil
nuestro pelo demasiado corto
las uñas prolijas
redondas y rosas.

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CRUCIFIXIÓN
Había un cadáver
en el patio del fondo
un cuerpo chiquito
de murciélago,
los brazos abiertos
y dos estacas
una en cada mano.
Yo los había visto ciegos
atados y muertos
pero nunca así
en cruz fumando
los chicos del barrio, se decía
los cazaban
decoraban los postes de luz
con pequeños altares
les metían cigarrillos en la boca
todavía vivos
los hacían fumar.

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CORDERO
Su mano bien adentro
del cordero flaco
que goteó durante horas
la carita de nada la piel
en los ganchos, guardamos cada una
un mechón de pelo fresco
a escondidas espiamos el banquete
adentro la mesa servida
de patas y muslos y vimos
desde la ventana cuando cortó
en trocitos la lengua.

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ESTA CASA
A la muerte no hay que verle la cara
está en el cuarto de al lado
alguien nos encauza
damos vueltas
resbalamos en los pasillos de loza
y hacemos todo en esta casa:
velorios, casamientos
leche chocolatada
alfajores frente a la tele prendida
todo lo que en la mía
no me dejan.

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RESTOS
Más allá las habitaciones
guardan reliquias tesoros
escondidos para después, más tarde
cuando al fin nosotras solas podamos
abrir las cajas, empujar las puertas
probar cada una de las joyas que siempre
quisimos tocar
que esperamos una vida
para tocar.

AU GALOP
J’ai traversé le champ ouvert
au galop à cru sur une jument
toute blanche son ventre
entre mes genoux fermes.
Eux regardaient de loin
une lady godiva
un cavalier sans tête
une illusion qui passait à travers la terre
et ils abaissèrent leurs journaux
les mâchoires leur en tombèrent
tandis que je louvoyais parmi les citronniers.
Cette semaine par trois fois je chutai
mais pas une seule
je ne permis que l’on m’aperçût.

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FOSSE
Nous avons enterré le crapaud
lui avons donné
des baisers sur sa bouche
un sortilège
au beau milieu du marécage
de nos quatre mains nous avons creusé
comme pour nous unir
à toute cette terre
sablonneuse
le vent agile
nos cheveux trop courts
nos ongles bien soignés
ronds et roses.

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CRUCIFIXION
Il y avait un cadavre
dans le patio du fond
un tout petit corps
de chauve-souris,
les bras ouverts
et deux pieux
l’un à chaque main.
Je les avais vues déjà aveugles
entravées et mortes
mais jamais ainsi
en croix fumant
– les gamins du quartier, on racontait
les chassaient
ils décoraient les lampadaires
de petits autels
leur mettaient à la bouche des cigarettes
encore vivantes
ils les faisaient fumer.

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AGNEAU
Sa main bien au dedans
de l’agneau maigre
qui dégoutta des heures durant
la petite tête inexpressive la peau pendue
aux crochets – chacune nous avons gardé
une mèche de poil fraîche
en cachette avons épié le festin
à l’intérieur la table dressée
de pattes et de cuisses et depuis la fenêtre
nous vîmes lorsque l’on trancha
en petits bouts la langue.

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CETTE MAISON
La mort, mieux vaut ne pas voir son visage
elle est dans la chambre à côté
quelqu’un s’emploie à nous contenir
nous allons et venons
glissons au sol de céramique du couloir
et tout est permis dans cette maison :
veillées funèbres, mariages
chocolat au lait
alfajores devant la télé allumée
tout ce que chez moi
l’on m’interdit.

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RESTES
Au-delà les chambres
recèlent des reliques des trésors
cachés pour ensuite, plus tard
lorsqu’enfin seules nous pourrons
ouvrir les coffres, pousser les portes
essayer chacun des joyaux que toujours
nous voulûmes toucher
qu’une vie entière nous attendîmes
de toucher.

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Un Commentaire

  • Laure-Anne FB dit :

    Un univers fort et intemporel… un peu de Lorca, un peu de conte…
    merci de le faire connaître.

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