Le zénith est le point, dit Le Petit Robert, où la verticale ascendante d’un lieu rencontre la sphère céleste.
Pour la plupart des Méditerranéens, c’est plus basique, c’est l’éblouissement intenable de midi, heure cosmique, la chape brûlante, les zigzags à raser les murs pour une once d’ombre, des zigzags pesants, sans étincelle, nauséeux…
Vous, à cette heure, vous digérez, lectrice, ma sœur, un gazpacho au basilic, ou, économe de tout mouvement et persiennes closes, vous rêvez peut-être, au son d’un jazz frais et perlé, d’un Zorro inexistant arrosé d’eau de cologne aux agrumes, dont la cape vous ferait une tente ombreuse ou qui, mieux encore (un frais alizé poussant votre course), vous emmènerait avec zèle, sur son cheval -à tout le moins alezan pour la circonstance parce que le noir ça tient trop chaud- loin, bien loin du fil à plomb du soleil, vers des zones délicieusement boréales.
Et zest ! pourrait dire toute fine moustache qui en connaîtrait un bout sur l’eau de rose sévillane, les jalousies andalouses, et l’hypocrisie des sérénades torrides car, le soir, les murs transpirent des oreilles.
Mais, vous dis-je, à cette heure de midi, sous des latitudes trop australes pour être honnêtes, j’émerge tout juste de mes rêves, parce que ce n’est pas un zozo de réveil que je laisserais fusiller ma grasse matinée (rrrr…zzzz…).
C’est que les longues nuits d’été me scotchent tard à l’encre du ciel, amoureuse des graffs des comètes qui font oser vœux et désirs dérisoires, genre à Ziggy pour la vie, au mépris futile du reste du monde ; et du coup, me voilà seule zèbre (zébresse, si l’on hait l’épicène), seule zombie à me traîner dehors au remballage brûle-crâne des marchés ; c’est que je crains, même si le trop chaud est censé couper la faim, que le vide de mon frigo -oui, et zut !- et l’absence subséquente d’exquise cuisine ne refroidissent les ardeurs du zazou dont j’attends la visite comme une préado rêveuse, aux heures nuiteuses de cette saison où (n’omettez aucune liaison je vous prie) les moustiques zonzonnent, mais les désirs s’embrasent mieux encore après un bon balthazar arrosé de rosé, et un compte minutieux des étoiles passionnément, à la folie, filantes…
– Z’êtes vraiment zinzin, madame l’écriveuse qui osez me héler ainsi ! Je bous, rien qu’à vous lire, vous, votre alezan circonstanciel, et ce prince zigoto boulimique maso dont vous envisagez de tisonner les braises par cette canicule, sans parler de vos allitérations écœurantes, de vos références douteuses, de votre syntaxe apnéique, et du toupet de vos onomatopées ! À cause de votre refus de zèle matinal, de vos amoureuses démangeaisons, et de leurs exigences zénithales, vous nous infligez toute une usine à gaz de voleuse de feu, un rosaire de mantras bourdonnant à défriser un bonze ! Un zeste de raison, madame, pour apaiser et nos oreilles, et vos suées sous l’azur blanchi au feu !
– Sans hésiter, zinzin, je le suis, rusée lectrice. Mais je vous y prends aussi, à vous en amuser sans ambages ! Le z, je le constate, est prosélyte, sa contagiosité est irrésistible, s’insinuât-il en s dicrets, en liaisons dangereuses et jeux d’autres âges : gardez-vous en, madame, aussi, car il a pris chez vous ses aises en deux coups de cuillère à phrases, n’en déplaise à votre précision dans la plaisante exégèse de ma prose, piteuse certes, mais dont j’espérais que vous l’excusassiez, au motif de la cuisante touffeur qui à midi nous abasourdit.
Je vous accorde cependant qu’au lieu d’arpenter de A à Z et retour cet espace- temps étouffant entre frigo et casino-market, et de caresser, malgré la fournaise, de crapuleuses perspectives, j’aurais mieux usé de mon temps en explorant tous azimuts, joyeusement métaphysique et selon besoins, Empédocle, Zarathoustra, Leibniz, Nietzsche, ou Spinoza, ou les aphorismes zézayés par ma très sérieuse cousine Zelda, disciple de Zénon le stoïque, lequel, n’en doutons pas, aurait visé, même dans cette étuve, la vertu et elle seule, et aurait su, nonobstant le brasier, maîtriser de dérisoires désirs.
Oui-da, j’aurais dû, au lieu de faire durer le déplaisir, différer mes urgences, et, bien à l’ombre de mes murs, nager immobile et paisible de l’alpha des grandes eaux à l’oméga des fleuves édéniques, du zéro à l’infini, et retour. J’aurais dû ruminer, hypnotisée par les parallèles de mes persiennes closes, tous mes zikrs d’usage- apocalypses, aléas cosmiques, big-bangs astrophysiques, et rester zen sous le bienfaisant zéphyr d’un climatiseur d’occase. J’aurais-dû et que n’ai-je ?
Car voici que – je le sais, vous en ferez des gorges chaudes, lectrice vertueuse donc heureuse, mais exaspérée – voici que mon zazou mal léché vient de s’excuser dans un laconique sms : « désolé impossible venir …insolation … », suivi des exécrables émotichoses – visage rouge-visage qui pleure avec un thermomètre dans la bouche-, et pas même un insignifiant «bisou».
Était-il, dites-moi, sorti en plein cagnard, ce preux, pour m’acheter des sorbets framboise? Ou n’était-ce qu’une piteuse esquive de circonstance ?
…
Silence pesant, lectrice.
J’envisage donc, il est temps, une thébaïde estivale à l’ombre d’une grotte – si possible moussue, pour le moëlleux de l’assise en tailleur et l’effet pictural de l’arrière-plan – : j’y pourrai, aux heures chaudes, philosopher tout mon soûl sur ce que le cosmos réserve aux humains pleins d’illusions et de désirs sans sagesse.
Là, sur le tard, bien droite au seuil vert-noir de la nuit, naseaux levés, mais zen et déniaisée de vœux, je snifferai – car mon ascèse se devra d’être humaine – le ciel et ses baumes, pour tagger en secret sur mes os les poèmes sages des planètes, des trous noirs, la crécelle des cigales, et les gaz interstellaires de la Voie Lactée.
Et, sans rancune, je lèverai, très haut, à la santé du zénith de minuit, un verre bien frappé de rosé solaire du pays.
Z’apprécie cette proze savoureuze, ne doutant pas que le grand Spinoza m’approuverait « car le rire, tout comme la plaisanterie, est pure zoie (…) Il est, dis-ze, d’un homme saze de se refaire et recréer en manzant et buvant de bonnes chozes modérément, ainsi qu’en uzant des z’odeurs, de l’agrément des plantes vertes, de la parure, de la muzique, des zeux z’et exercices du corps, des théâtres z’et autres chozes de ce zenre, dont chacun peut uzer sans aucun dommaze pour autrui. « *
Et ze dirais même plus, pour son plus grand plaizir. (A condition de mettre son masque si nécessaire, histoire de pas en arriver au variant dzeta).
Z’azoute seulement que même à midi au zénith de l’été, je cherche le soleil plutôt que l’ombre … A chacune sa zinzinitude.
* Ethique partie 4, scolie du corollaire 2 de la propozition 45
Ces zézaiements virtuoses, Laure Anne, donnent lieu à une belle effervescence, un « concert de vocables » où la langue est à la fête. Un régal pour le lecteur!
z’est très bien! z »adore!
Z’en suis z aise au possible et vous bizz chère Françoize !!
Ton texte m’a tellement accrochée que je me suis envolée avec ce tourbillon de Z, tu n’en as pas oublié… quelle envolée magnifique! Ils inspirent à coup sûr autrement que les AAAA…. ils sont la promesse d’un commencement plus tonique ou plus fou.
Je voulais te répondre et puis le commentaire risquait d’être long long long. Alors je me suis accrochée à un nuage maigrichon et j’ai écrit ma petite fadièse, ma mélodie en sol (hélas trop) majeur en ce moment! Merci à toi et à ton inspiration amicale.