Tentative bien inutile pour accrocher un nuage

Fantaisie en Sol Majeur

 

De ces variations saisonnières, je retiens les deux dernières ( la lettre et les raisons) et me glisse à la suite d’ Ariane, invitant à faire corps et coeur avec les éléments, à cultiver son potager et par tous les temps. Trop tard, “l’azur ne jette pas assez de froid”. On ne connaît pas de répit l’été, sous ce ciel impitoyable impeccablement bleu. Dans le midi, on ne célèbre pas la lumière, on la fuit, en vivant la nuit et dormant le jour. Le seul sillon creusé par les humains est celui de leur lit. C’est ça le programme? Si j’en crois les doux Z de L.A ( Laure-Anne), qui doublent parfois leurs zézaiements pluriels, avant qu’elle ne décide de se réfugier, Madeleine aux longs cheveux, dans le creux de sa baume moussue, ( rajoutons une couche), en position lotus et en dilatant consciencieusement: « Pilates, Pilates »

A. LA. S quel programme “suscitateur” : vais-je marcher?

Zébrez moi tout ça! Les ados rêveuses ne s’endorment plus guère en rêvant de Zorro (impossible en version remasterisée et doublée) qui les transperceraient de la pointe… Mais plutôt en modernisant, de Snowpiercer (Transperceneige), de Zombies à la pleine lune, Voodoo chile reviens!

Mais faut passer la journée pour atteindre ces plaisirs là.

Juin, somme toute, fut très raisonnable, venteux, venté, et remuant, pas encore l’explosion de l’été. Passe encore, mais juillet, août, mamma mia ! Mon jazz calendar ne me vient pas en aide: April in Paris, Autumn in New York, d’accord, d’accord mais London in July ( ils ne se sont pas foulés), August Moon pour sûr, elle vient toujours à la rescousse, mon amie lune, astre des poètes. Il faut attendre la September Song pour retrouver une douce mélancolie de rentrée!

Pendant la pandémie, j’ai pris l’habitude d’explorer Marseille, la ville éclatée aux cents villages, sans grande harmonie ni beaucoup de verdure, dans mon coin, du moins. A apprendre à voir mieux, oui,  cherchant à me souvenir de mes impressions comme preuve de présence au monde, de mon inscription dans le présent. Par temps frais, je peux tenter la chose.

J’ai encore pris l’habitude d’attendre l’aurore, en l’espérant même pas boréale, faut pas rêver, et de sauter très vite hors de ma couche, un peu trop dure. Le matin, c’est un bonheur frais, on a envie de chanter, danser, écouter la vie qui va, hein Charles! C’est qu’une pulsation folle exige le déplacement du corps dans l’espace, telle une démangeaison de locomotion. Prendre la route enchantée. Vite, on s’équipe et ça démarre, la bouteille à moitié remplie fait floc floc, plonk plonk, il me semble entendre la petite musique de balles. Jeu, set et match… Certains sont sur les courts dès l’aube à l’heure où blanchit… Non, il est déjà assez tôt comme ça ce matin, et nous ne sommes pas dans la campagne normande. L’ Azur imbécile ici, n’est jamais traversé par le moindre nuage, on ne sait ce que veulent dire des cieux pommelés, des nimbus qui divaguent. Courage! Profitant de l’apathie dominicale, j’emprunte mon chemin, encore ombragé à cette heure, seule et rêvant au bruit du vent doux, des oiseaux tendres, oubliant les mouettes gueulardes et les stridulations des idiotes de cigales qui n’ont pas encore attaqué au marteau-piqueur.

Mais c’est que la rue est barrée…Interdite aux voitures, tant  mieux, je passe, mais par contre, devant le stade et ses alentours, des buvettes sont déjà installées pour la kermesse de la fin juin, traditionnelle entrée dans la vacance estivale. Les gosses déjà tout excités, posant dans leurs maillots bleus  (ah “c’est qu’à Marseille, peuchère, on craint dégun”) occupent fièrement le terrain, pour garder la place pour papa, qui s’est débrouillé pour passer avec sa voiture. La foire va durer la journée, caramba!

Je taille par mon raccourci, dans le pré, l’herbe fraîchement coupée, à l’odeur délicieuse, il y a seulement quinze jours, est méconnaissable. En lisière, l’amélanchier a perdu ses fleurs depuis longtemps. Je file vers la Compassion et sa fraîche allée, irréelle. Par quel miracle les riverains n’ont ils pas condamné l’entrée à l’aide de portails et autres gadgets électroniques? Mais il me faut sortir de ce petit coin de paradis, continuer à avancer : les crépides et autres herbes folles, se tenant encore fièrement sur le bord du chemin me saluent, les feuilles d’acanthes hélas ont jauni, les fleurs bicolores ont perdu leur mauve pastel et soupirent à mon passage… Oui, c’est foutu, ma paquerinette. Seuls résistent les lauriers insolents, jamais coupés,  florissants  au contraire, peignant des roses  nuancés jusqu’au pourpre, auprès de bignonias orangés. Joli tableau, mais ces fleurs de l’été, trop éclatantes, ne sont  pas vraiment celles de mon désir. Où est le monde, le paysage qui s’accordent à nos désirs?

Je ne croise même pas ce matin de joggers fous, de ces néo-joggers qui zig et zaguent comme celui qui est revenu vers moi, l’autre jour, en me menaçant parce que je m’étais écartée trop ostensiblement à son passage. Une piétonne, venue à ma rencontre, tape son front de son index, il est zinzin ce type! Oui,  pas très drôle malgré sa silhouette ridicule, ses chaussettes retroussées sur des chevilles très laides et des mollets insignifiants, sûrement pas de coq. Même pas un zinzin d’Hollywood!

Oui, il n’y a pas que le monde, l’été rend fou. L’observation attentive de l’azur me confirme qu’il est temps de changer de cap. Oublier en toile de fond … la profondeur d’un bleu infini, la clarté d’une relation pure à la nature, la beauté plastique d’un monde sonore, où le rythme suggère le mouvement… Et toutes ces belles salades! C’est à cet instant qu’il faut prendre la route du retour, sinon, je serai vite flambée, grillée. Normal ma fille, tu files plein est, fais pas ta maligne, oublie la Moline et oblique vers le Bois L, plus frais, en suivant Claude Farrère qui rejoint Pierre Loti, pas très exotique tout ça, où est la mer, bon sang? De l’eau, à boire, juste une petite gorgée. Szut, plus d’eau, pas de coke, pas encore de quoi se cogner la tête contre le cabestan, tu n’es pas encore dans l’eau, même carrelée de ta salle de bain. Attention à ce que Scylla ne t’aspire par le fond, même si tu ne rêves que de fuir à la nage, suivre les sirènes sur le dos des baleines. Car nul ne résiste au charme doux de leur chant d’amour. Sur les flots qui m’entraînent je suivrai leur piste… Mobilis in mobile.

 

 

7 Commentaires

  • Pierre Hélène-Scande dit :

    Agréable promenade (à lire) et d’un humour rafraîchissant. 🙂

  • Ariane Beth dit :

    Oui belle promenade, d’où je sors agréablement envertiginée par tant de verve, comme d’une valse qui vous envole.
    Et du coup je me fais réflexion (on se refait pas) que l’aisance de plume*, surtout jointe à l’humour, est un joli cadeau fait aux lecteurs et trices, elle les met à l’aise, comme à l’exact inverse une écriture besogneuse les alourdit et les attriste.

    *Bon je sais (comme quiconque écrit un peu) qu’elle résulte toujours d’un travail, mais qui a l’élégance de se faire oublier.

  • Sophie Chambon dit :

    Ariane, merci de ce retour qui me touche. Ma détestation de l’été dans le sud, tous ceux qui me connaissent ont entendu, cette litanie! Mais avec la pandémie, ce quotidien marcheur a pris une résonance particulière : les promenades régulières au creux de tes textes et de tes séries m’ont accompagnée cette année et à coup sûr ont guidé mon cheminement.
    Quant aux états du texte, ils sont nombreux, typographiquement, ils mériteraient peut être le coup d’oeil.

  • André Bellatorre dit :

    Roborative cette exploration savoureuse de Marseille à l’aube de l’été. Une balade à contre courant des célébrations convenues du dieu soleil.Oui l’été rend fou et ça fait du bien de flâner à l’ombre de ce texte pétillant et frais.

  • Sophie Chambon dit :

    Merci. Continuons donc à marcher à l’ombre jusqu’à la fin de l’été 😋

  • Laure-Anne F-B dit :

    Bravo pour cette promenade, qui, sans surprise, m’a perdue dans qqs culs-de sacs de ses allusions, mais qui m’a fait prendre l’air et regretter encore, mais en vain, mon impuissance aurorale dont seule les contraintes d’agenda triomphent, ne me laissant pas ignorante de la joie des fraîches et tacites aurores… alors merci d’avoir partagé ton énergie de matineuse !

  • sophie Chambon dit :

    Cette énergie, je te la dois, car ce sont tous tes Z, surtout les plus doux, qui m’ont fait démarrer. Alors que tu étais encore lovée dans ta baume, j’ai pu m’élancer sur les chemins ( un peu, beaucoup asphaltés même) même pas à bicyclette…. le coeur vaillant…. Je romance légèrement, faudrait me voir à l’arrivée….

Laisser un Commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.