si je ne réussis pas
au moins il me reste une haute plante
trop grosse pour son pot qui craque sans hâte fissure de lait
sur de la terre vilaine et cuite à point
comme une patate de camping froissée d’aluminium
comme un marshmallow brun une
banane poingo tout juste prise du jardin
si je ne réussis pas au moins il me reste ce placard tout plein qui ne ferme plus vraiment comme
celui des chaussettes et des sous-vêtements
les bas d’hiver les bas d’été et cette ligne nouvelle entre ces deux marées où je me réinvente
un printemps au québec les orteils blancs et mouillés de terre dans le métro aseptisé
masqué comme une idole profane
plein comme ce placard qui ne ferme plus
si je ne réussis pas il me reste tout au plus la pluie et ses membres affectueux sur les branches de
mon front il me reste tout au plus un pied de piment oiseau en fleurs arraché par des rongeurs
d’os
mais qui tente malgré tout de refaire
ses racines là où il grandit là où il fait chaud
à pointer toujours plus haut sans se soucier d’équilibre
une vie souple où la gravité demeure aux gens graves et rien ne m’est si grave
tout peut flotter
si je ne réussis pas il me restera les pots de confiture vides que l’on garde sans savoir comment
remplacer le plaisir
tous entassés comme un palais des glaces dans la pitance mobile des tiroirs de la cuisine où nous
faisions l’amour quand nous avions tout sans rien avoir
ni maison ni voiture ni projets patentés
quand on disait que nous irions vivre pieds nus sur des îles sans noms
pour leur donner ceux de nos chairs d’enfants et qu’il ne nous resterait que
le ciel à vouloir
que le miel à pleuvoir
sur nos gâteaux de fête sur nos patates de camping taillées en allumettes
si ne je ne réussis pas à te garder près de moi si les rêves s’enfuient comme les amants d’un soir si
la vie ne dure qu’une fois
et que l’on t’attend autre part
il me restera tout au plus des poèmes aux bouches tristes et mes poèmes ne me sont pas
confortables
comme des bijoux que l’on enlève dès que l’on sort de table un soutien-gorge trop serré un
matelas gonflable
qui couine la nuit longue comme un chiot ignare
de la vie qui l’entoure et des rôles à pourvoir et
mes poèmes sont mes tourmentes
je ne m’y repose pas

Un Commentaire

  • Laure-Anne Fillias-Bensussan dit :

    Il est bien bon en effet que les poèmes ne nous soient pas confortables, qu’ils accompagnent nos désirs et nos souvenirs, les reconstruisent, et ne les remplacent jamais… c’est déjà pas mal qu’ils prennent la main, parfois, de qui les lit sans y trouver non plus confort, car on ne se vautre pas dans un poème, mais qu’ils tricotent, dans un inconfort de laine, un peu de chaud qui s’appelle la vie.

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