Vert soleil
De toutes les couleurs, il se pourrait que le vert fût la plus mystérieuse
en même temps que la plus apaisante
Jaccottet, Cahiers de verdure, ‘Blason vert et blanc’
Les avant-soirées d’été font chanter les prés et leurs lisières de fougères. La qualité de leur vert lumineux, à ce moment précis et fugace de la journée, fait entendre qu’il s’agit là d’une couleur profonde, essentielle, et non point d’une parure de surface.
C’est un rayonnement qui sourd du cœur même de l’herbe et des feuilles. Il est d’une intensité extrême, et reste cependant doux, apaisant. Les prés, illuminés par le soleil déclinant (mais pas encore rasant, encore moins couchant), absorbent l’énergie de la lumière – énergie de feu ; ils l’assimilent, s’en nourrissent, la mêlent à l’énergie du bois, de l’eau, de la terre, puis la restituent, apaisée, vivifiante, en une réflexion verdoyante qui inonde les fins d’après-midi et qui me semble être l’acmé d’une belle journée d’été.
Et le corps, et les yeux, qui ont souffert de la méridienne incandescence, se laissent glisser dans ce bain réparateur de douce luminosité, s’y détendent, s’y lovent, s’y régénèrent.
Fragile instant de plénitude, durée suspendue où le mystère – celui d’une possible éternité ? – se glisse dans l’éphémère d’une verte lumière.
Merci d’avoir écrit ce bain de frais et de calme de certains verts, que même la meilleure des photos peut tuer car elle se nourrit de cette lumière de vert qui toujours perd sa liquidité, ce ruissellement qui nous lave la rétine…
Je cherche depuis toujours, à dire le vert du bersim qui pousse le long du Nil, fourrage pour les buffles… plus bleu, plus cru que celui dont tu parles mais tout aussi exaltant, plutôt une douche peut-être.
Je cherche encore quand de mes yeux le bersim est si loin et depuis si longtemps!
Je ne connais pas le bersim – je n’en connaissais même pas le nom avant de lire ce commentaire. Mais tu m’as mis l’eau à la bouche !… Pour moi, le souvenir lointain mais toujours présent est celui non seulement des prés de Corrèze, mais aussi des fougères et des châtaigners qui ourlent les vallonnements de ce pays de mon enfance. La manière dont les feuilles de châtaigner captent et restituent la lumière est tout à fait particulière.
Mais, oui, combien il est difficile de rendre par des mots la magie de certaines alchimies couleur / lumière !