Pour les apprentis artistes, un enjeu digne de celui de Sisyphe.
Ils ont payé pour ça.
Et parce qu’ ils aiment dessiner le nu,
le vrai comme le fantasmé, la courbe, le creux, l’ombre, le modelé, le raccourci,
le corps en son exultation, os, tendons, muscles, complexe machinerie si peu visible sous la chair,
autant de pièges, autant de combats qui leur demandent une concentration et une souffrance
presque égales aux nôtres.
Pour nous, sueur sous les lumières des spots, le froid, le chaud, selon les saisons,
assise contraignante, objets délictueux qui irritent le corps, angles de tabouret, de socle,
sol de l’estrade si dur malgré le tapis,
crampes qui s’installent insidieusement au fil des poses et entaillent notre santé,
laisser-aller impossible, il faut bouger, vite, une minute deux trois,
ou rester immobiles offertes,
non pas vides de toute substance mais remplies d’un sens,
joué car nous sommes en représentation de nous mêmes,
surjoué car l’enjeu se profile
qui fait que nous incarnons bien au-delà de nous mêmes,
l’image de, le mythe de,
la femme.
Le même bateau, la même galère,
eux pour le plaisir de capter une vérité, la nôtre,
enfin, celle que nous leur avons proposée,
nous pour celui d’en être la cause merveilleuse et si terrienne.
Vanité des vanités.