«Ce n’est pas ta destinée d’être un chasse-mouches. »
Ainsi parle à Zarathoustra je ne sais plus qui. Mais ce que je sais, c’est qu’il a vachement raison. La mouche est un animal qui suscite peu de sympathie (sauf peut être chez les araignées) (à supposer que nous parlions de sympathie pour définir nos rapports avec le steak, la quiche ou le gratin dauphinois). En général on les chasse sans état d’âme, on les écrase sans mettre de gants.
C’est vrai : à un moment y en a marre de ces zinzins buzzant tà nos zoreilles, que les mouches nietzschéennes métaphorisent. Et l’on se dit celui-là (celle-là) je l’écraserais bien contre une vitre !
Mais on ne le fait pas. Parce que comme Nietzsche on éprouve pour les cons et/ou méchants plus de mépris que de haine. Inutile de perdre temps et énergie avec eux. (Bon d’accord : et aussi parce que faire les vitres c’est fatigant).
Dans La mouche et la fourmi (livre IV,3), la mouche prend la tête à la fourmi comme quoi elle est une fille de l’air et la fourmi un vil et rampant animal. De plus elle ne fréquente que du beau linge. La preuve ?
La dernière main que met à sa beauté/Une femme allant en conquête,/C’est un ajustement des mouches emprunté. Grande mode de l’époque en effet, du plus bel effet sur une joue rehaussée de carmin ou la peau laiteuse d’un sein.
La fourmi ne se laisse pas impressionner : Vous hantez les palais ; mais on vous y maudit. Et d’un.
Et de deux : la mouche des coquettes, OK. Mais Ne nomme-t-on pas aussi mouches les parasites ? (…) Les mouchards sont pendus. (Le lecteur ne manquera pas de noter qu’avec cet argumentaire joueur de mots la fourmi rejoint la référence à Nietzsche le philosophe philologue).
Troizio elle lui parle comme à la cigale : vas-y, fais ta belle. M’en fous je bosse pour gagner ma croûte, j’investis dans l’avenir, je mise sur le principe de réalité, moi madame. Résultat tu sais quoi l’hiver prochain
Je vivrai sans mélancolie./Le soin que j’aurai pris de soin m’exemptera.
Je vous enseignerai par là/Ce que c’est qu’une fausse ou véritable gloire (et toc)
Bref je vois pas pourquoi je continue à te parler :
Ni mon grenier ni mon armoire/ Ne se remplit à babiller.
Ce n’est pas ma destinée d’être un chasse-mouches : voilà, c’est dit.
Et dépêche-toi maintenant, tu vas rater le coche.
Image : George de Pixabay