Rousseau poursuit en analysant les formes de gouvernement en fonction du rapport entre légitimité et force.

« Faisons du Prince le Souverain (démocratie absolue, gouvernement direct du peuple), et de tous les Citoyens autant de Magistrats (qui administrent concrètement l’état) : alors la volonté de corps, confondue avec la volonté générale, n’aura pas plus d’activité qu’elle, et laissera la volonté particulière dans toute sa force. Ainsi le Gouvernement, toujours avec la même force absolue, sera dans son minimum de force relative ou d’activité. »

(DCS III,2 Du principe qui constitue les diverses formes de Gouvernement)

JJ pointe ici le danger inhérent à la nature-même de la démocratie. Si chaque citoyen prétend être légitime à incarner la totalité de la volonté générale, oubliant (ou récusant) qu’il n’en est qu’un participant, la démocratie vire au débat indéfini, voire au pugilat généralisé. Chacun à ses intérêts, les citoyens régressent à la lutte de tous contre tous caractéristique de l’état de nature.

Or c’est tout l’objet du contrat social d’en délivrer les sociétés, rappelons-le « Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant : Tel est le problème fondamental dont le contrat social donne la solution. » (I,6 Du pacte social)

De façon à parer ce danger d’anarchie, le Gouvernement, dépositaire de la totalité de la force du Souverain, doit pleinement en disposer relativement à chaque citoyen, pour être au maximum de son efficience, explique ensuite JJ.

Ce qui pose à la démocratie un problème délicat.

« Je ne parle ici que de la force relative du Gouvernement, non de sa rectitude : car au contraire, plus le magistrat est nombreux (= démocratie participative), plus la volonté de corps se rapproche de la volonté générale ;

au lieu que sous un magistrat unique (= pouvoir fort et personnalisé) cette même volonté de corps n’est, comme je l’ai dit, qu’une volonté particulière (présentée comme générale par le guide, chef, roi, prétendant incarner le peuple).

Ainsi l’on perd d’un côté ce qu’on peut gagner de l’autre, et l’art du Législateur est de savoir fixer le point où la force et la volonté du Gouvernement, toujours en proportion réciproque, se combinent dans le rapport le plus avantageux à l’État. »

Tout un art oui, un art du dosage et de la proportion, telle est l’institution démocratique. Un dosage qui demande du temps, des dialogues, des essais, des compromis.

Pas des choix en 0/1, ni des clics pavloviens.

Image par Gerd Altmann de Pixabay

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