Dans les sociétés, fussent-elles issues d’un contrat social dûment estampillé rousseauiste, la proportion d‘hommes justes qui n’ont point failli (DCS II,5 Du droit de vie et de mort), et surtout dont on espère qu’ils ne failliront pas, est peu élevée. (Celle de femmes justes un peu plus) (je rigole les mecs) (en fait elles ont souvent moins les moyens de leur injustice).

C’est pourquoi s’impose la nécessité de la loi, dont l’objet est de conserver le contrat, qui a lui-même pour but la conservation des contractants (JJ l’a dit au début).

« Mais qu’est-ce donc enfin qu’une loi ? » C’est vrai ça : bonne question.

« Quand tout le peuple statue sur tout le peuple, il ne considère que lui-même, et s’il se forme alors un rapport, c’est de l’objet entier sous un point de vue à l’objet entier sous un autre point de vue, sans aucune division du tout. Alors la matière sur laquelle on statue est générale comme la volonté qui statue. C’est cet acte que j’appelle une loi. » (II,6 De la loi)

Euh … Oui … Tu peux préciser ?

« Quand je dis que l’objet des lois est toujours général, j’entends que la loi considère les sujets en corps et les actions comme abstraites, jamais un homme comme individu ni une action particulière (…) en un mot toute fonction qui se rapporte à un objet individuel n’appartient point à la puissance législative. »

La législation consiste donc à transcrire dans le fonctionnement social la volonté générale. « Les lois ne sont proprement que les conditions de l’association civile. Le Peuple (né du seul contrat) soumis aux lois doit en être l’auteur. » Du coup on tombe sur la question (pas la moindre) comment s’y prendre ?

« Sera-ce d’un commun accord, par une inspiration subite ? (…) Comment la multitude aveugle qui souvent ne sait ce qu’elle veut parce qu’elle sait rarement ce qui lui est bon, exécuterait-elle d’elle-même une entreprise aussi grande aussi difficile qu’un système de législation ? (…) Voilà d’où naît la nécessité d’un Législateur. »

OK mais lequel ?

« Il faudrait des Dieux pour donner des lois aux hommes. » (II,7 Du législateur)

La loi nécessite une vue large, une prise de distance. Or « les vues trop générales et les objets trop éloignés » ne sont pas audibles par « l’individu ne goûtant d’autre plan de gouvernement que celui qui se rapporte à son intérêt particulier. » En fait « il faudrait (…) que l’esprit social qui doit être l’ouvrage de l’institution présidât à l’institution même, et que les hommes fussent avant les lois ce qu’ils doivent devenir par elles. »

Tu l’as dit, JJ. Quadrature du cercle de toute société. Le paradoxe de cet esprit social ramène au risque d’aporie éthique de la démarche du contrat social (déjà relevée cf 6).

« Ainsi le Législateur ne pouvant employer ni la force ni le raisonnement, c’est une nécessité qu’il recoure à une autorité d’un autre ordre, qui puisse entraîner sans violence et persuader sans convaincre. Cette raison sublime qui s’élève au-dessus de la portée des hommes vulgaires est celle dont le législateur met les décisions dans la bouche des immortels*, pour entraîner par l’autorité divine ceux que ne pourrait ébranler la prudence humaine ».

Remarquons bien dans quel sens ça marche. La bouche des immortels n’est là que pour servir de canal à la raison sublime. Ce n’est pas de religion qu’il s’agit, mais de l’appui d’une superstructure idéologique.

« Car il ne faut pas de tout ceci conclure que la politique et la religion aient parmi nous un objet commun, mais que dans l’origine des nations l’une sert d’instrument à l’autre. »

(JJ développera ce point en IV,8 De la religion civile).

*Cf la question du culte de l’Être suprême dans le passionnant Robespierre l’homme qui nous divise le plus de Marcel Gauchet (Gallimard 2018)

Image par Gerd Altmann de Pixabay

Un Commentaire

  • Laure-Anne FB dit :

    Ici on retourne presque à Platon et sa république des philosophes, qui eux savent se servir de la raison…
    Comment échapper à l’aristocratie de la raison? J’avoue que parfois je me laisserais bien tenter, si je ne savais que même les raisonnements des philosophes et savants sur l’intérêt du peuple n’aboutissent pas toujours aux mêmes conclusions, mais là encore, on pourrait invoquer le PPDC…et qu’ils pourraient aussi privilégier leurs propres intérêts…et qui alors serait garant de leur vertu (puisque de Robespierre il est question)

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