« En criant à pleins poumons au sommet d’une colline, on se remplit d’énergie. »
Hong Zicheng (Propos sur la racine des légumes II, 114)
C’est rudement vrai. Sensation euphorique. Leonardo à la proue (ou la poupe je sais jamais) du Titanic, le naufrage en moins.
Quoique. On aura beau s’être empli de toute l’énergie du monde, on sombrera forcément un jour. Ajoutons que selon la pente de la colline, arrivé au sommet faut attendre un peu pour pousser son cri, le temps de reprendre souffle. Selon la pente et aussi peut être l’âge …
Euh … oubliez : je m’en voudrais de jeter un froid.
« Le cœur est de la même substance que le ciel.
Pour une pensée joyeuse, il est comme l’étoile des justes ou un heureux présage. Pour une pensée coléreuse il est comme l’orage ou la tempête. Pour une pensée compatissante, il est comme la brise et la rosée. Pour une pensée sévère, il est comme un soleil ardent ou une gelée automnale.
Tous ces aspects alternent, il suffit de se conformer à leur émergence et leur disparition pour se sentir libre comme l’univers, de la même substance que le ciel.*» (I,74)
C’est son truc à la pensée extrême-orientale, la perception d’une solidarité entre toutes les composantes de la vie, en tant qu’éléments d’un unique moteur. Système très intégré, dans une synergie microcosme/macrocosme, matériel/ immatériel.
Dans la culture occidentale on a souvent un peu plus de mal à se conformer aux perturbations externes du monde, comme aux internes de son petit moi à soi. J’entends non seulement les admettre, ça on n’a pas le choix, mais faire corps avec elles.
« Un ciel serein est soudain sillonné d’éclairs et ébranlé par le tonnerre. Un vent rageur et une pluie battante cèdent soudain au clair de lune. La nature est-elle arrêtée un instant dans son évolution? Le ciel est-il un instant entravé dans son mouvement ? Le cœur humain doit être à l’unisson. » (I,124)
Ça me rappelle une réplique du film d’Agnès Jaoui Parlez-moi de la pluie. « Quand il fait mauvais temps j’ai toujours l’impression que c’est contre moi, que le ciel m’en veut.» Le même genre de chose doit s’entendre à un coin de pellicule chez Woody Allen.
J’avoue je ressens souvent cela. Pluie, vent, froid, je monte aussi sec sur ma colline intérieure crier genre : eh là-haut ! On me cherche ? Descends voir un peu !
Oui je sais c’est pas le même climat de cri qu’avec Hong. Mais tant qu’on crie, hein ?
P.S. Le titre n’est pas de moi (j’aurais pu vous le laisser croire, non ?), c’est dans le Cantique des Créatures de François d’Assise, poème écologique qui commence par Loué sois-tu mon Seigneur par frère Soleil. Après il loue par la lune, les étoiles, l’eau, la neige, la grêle. Toute ressemblance avec le psaume 148 ne doit rien au hasard.
*Idée de conformation à l’alternance que je rapproche du chap 3 du livre de l’Ecclésiaste : « il y a un temps pour chaque chose sous le ciel, un temps pour … un temps pour … »
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« Par l’azur calme et par tous les temps », décidément, les météores rapprochent les lointains, Asie et Europe, machiavélique ami du pouvoir et riche dépouillé tout nu… ce qui me séduit le plus sans doute ici c’est ce cri, de ceux qu’on pousse parfois dans les rêves rares et heureux où l’on court, vole, respire, occupe le monde avec son air incarné dans la voix, où l’on est libre et disponible à la folie douce, et à la communion au cosmos…