« Il faut être carré en temps de paix, arrondir les angles en temps de troubles, être carré et arrondir les angles à la fois en temps de décadence. »

Hong Zicheng (Propos sur la racine des légumes Livre I, n°50)

Outre sa possible application morale et pourquoi pas psychologique, voilà une phrase bien pertinente dans le domaine politique (c’est d’ailleurs ce que vise Hong).

Elle suggère un travail d’équilibrage et d’ajustement. Équilibre dynamique bien sûr, vivant. C’est un enjeu de rationalisation au sens propre : trouver un ratio qui soit à peu près gérable entre les deux pôles calme/trouble.

Ce travail suppose le décollement de l’immédiat, la prise de champ. Sinon impossible d’envisager les situations dans un contexte suffisamment large pour tenir compte de l’ensemble des données. Et par conséquent impossible d’éviter les bourdes voire les fautes lourdes.

À l’inverse du réflexe (tentant c’est vrai) de suivre la pente et de profiter des moments sans trop de patates pour laisser filer, il faut être carré en temps de paix. Temps de paix, temps d’apaisement des passions. C’est donc en effet le temps ou jamais de faire de la place aux exigences de la raison, de la loi.

Être carré de façon à construire un garde-fou pour cadrer autant que faire se peut la virulence passionnelle quand elle se réactivera après le moment de calme.

En temps troublé les choses sont plus simples malgré les apparences. Spontanément on va privilégier les éléments réconciliateurs (actes paroles personnes), perçus comme adjuvants de survie. Et parmi ceux-là l’attitude consistant à arrondir les angles. On ne reprendra à fond tel débat, on ne reviendra sur les arêtes de telle opposition que quand on pourra le faire sur un mode constructif. En temps troublé le flirt avec le heurt est un mauvais plan.

Conclusion. En temps de paix les gouvernants doivent être des éducateurs exigeants, en temps de troubles des réconciliateurs avisés.

Et puis y a la décadence. C’est quoi au fait ?

Dans le contexte de la phrase je l’interprète comme le temps intermédiaire. Un temps de labilité entre paix et trouble. Un temps par conséquent où il faut être un as du discernement et du pilotage à vue.

Ce qui ne simplifie pas la vie, c’est que ce temps-là est le plus fréquent.

Image congerdesign (pixabay)

2 Commentaires

  • Laure-Anne Fillias-Bensussan dit :

    J’avoue que Monsieur Hong ne me convainc pas totalement ici, même habilement commenté : la décadence ne serait-elle pas l’échec des stratégies séparées donc radicales du carré et du rond ?

    • Ariane Beth dit :

      Séparation et radicalité seraient les deux mamelles de la mauvaise politique : je serais assez d’accord. En fait ces histoires géométriques m’évoquent un peu ceci : (Guillevic. Euclidiennes : Sinusoïde)

      « C’est fatigant dans les montées
      C’est effrayant dans les descentes

      Et les sommets ne donnent,
      Aussi bien que les creux,

      Que l’idée de l’arrêt,
      La notion du repos ».

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