« Dans l’état amoureux une certaine quantité de libido narcissique déborde sur l’objet. Dans maintes formes de choix amoureux, il devient même évident que l’objet sert à remplacer un idéal du moi propre, non atteint. »
(Psychologie des foules et analyse du moi chap.8. État amoureux et hypnose)
Bref, résume Freud cyniquement, l’amour n’est jamais qu’un détour pour satisfaire son narcissisme. Mais le narcissisme finit mal, sinon en général, en tous cas dans « ses développements extrêmes qu’on appelle fascination, sujétion amoureuse.»
Alors le mouvement identificatoire s’inverse. Au contraire de s’augmenter des qualités de l’objet, le sujet « est appauvri, il s’est abandonné à l’objet, a mis celui-ci à la place de son élément constitutif le plus important. » Plus qu’appauvri donc, évidé, et remplacé par un autre-soi.
« Il n’y a manifestement pas loin de l’état amoureux à l’hypnose. Même soumission humble (…) même absence de critique (…) même résorption de l’initiative ; aucun doute, l’hypnotiseur a pris la place de l’idéal du moi. »
En effet, poursuit Freud, renvoyant à l’article Compléments métapsychologiques à la théorie du rêve, « parmi les fonctions de l’idéal du moi, il y (aurait) aussi l’exercice de l’épreuve de réalité. »
Quelle qu’en soit l’explication, la distorsion de réalité joue un rôle non négligeable dans le mécanisme d’enfoulement. C’est un fait que nous pouvons constater dans maints exemples actuels. Surtout (et logiquement) pour les foules virtuelles s’agrégeant au hasard des réseaux.
Inversement « on peut dire aussi que la relation hypnotique est – si cette expression est permise – une formation en foule à deux. » (On permet, Sigmund, très joli).
Et ainsi « De la structure compliquée de la foule, elle isole pour nous un élément, le comportement de l’individu en foule envers le meneur. » C’est l’élément décisif pour donner la formule de la constitution libidinale d’une foule. Du moins, précise-t-il, d’une foule primaire. C’est moins net pour une foule devenue organisation*.
« Une telle foule primaire est une somme d’individus, qui ont mis un seul et même objet à la place de leur idéal du moi et se sont en conséquence, dans leur moi, identifiés les uns aux autres. » Donc un phénomène d’identification où c’est la fascination, la sujétion amoureuse pour le meneur qui est le trait unaire (cf 9) suffisant.
*Freud voyait-il dans sa lucidité que certain meneur fascinait assez la foule pour conférer à son parti nazi (foule secondaire) les pires caractères de la foule primaire ? De fait la distinction foule primaire (éphémère) et secondaire (organisée) reste floue dans tout l’article (cf 4).
image par David Mark (Pixabay)