… la Diabline, espace clos, mobile, lieu de toutes les rencontres, même les pires.
Je prends cette voiturette semblable à celles qu’on utilise dans les golfs, pour remonter du bas vers le haut de la ville ou inversement, chargée de paquets, le dos rompu après un voyage en compagnie de lourdes valises, afin d’éviter les hordes de touristes aux beaux jours, pour y promener les petits enfants. Dans cet espace restreint semblable à une diligence on trouve souvent de vieilles personnes, ou des habitués à tu et à toi avec les conducteurs maîtres incontestés du terrain. La parole se libère sur des sujets consensuels, le temps, les travaux de la ville, parfois plus précis et hargneux, il manquerait plus que ceux des banlieues aient le transport gratuit, ils viendraient nous envahir au centre, les gens qui, que, et il y en a à dire sur une humanité en perdition, sauf moi qui et que, plus doucettement on se livre sur la vie telle qu’elle est, j’ai joué au loto, j’ai des petits-enfants, je vais manger ce soir du …
Et comment tu t’appelles toi, tu es bien mignonne, allez-y, je vous en prie. Rien n’est mis de côté, dans une simili convivialité. Je regarde la ville comme jamais je ne le ferais à pied, nez en l’air, bâtiments sur ciel, arbres sur façades, piétons inoffensifs. Mais la quiétude dure peu, si je joue trop l’absente le jeu social s’exacerbe, on attend de moi que je, ce qui n’arrive pas car je, suis ailleurs et en moi-même. Parfois une bulle de connivence éclate et rompt mon enfermement, un souffle bienheureux passe.
Le conducteur de voiture, seul dans son habitacle entouré de ses musiques et objets fétiches ne peut se figurer tout ce que la Diabline possède de macérations répulsives mêlées d’humanité attendrissante auxquelles on ne peut échapper, un sourire de courtoisie, un au revoir bonne journée merci beaucoup, et ouf, enfin libre!