Brume vaporeuse d’un matin d’hiver ensoleillé,

Volutes légères qui s’échappent continûment

des branches sombres et dépouillées

auxquelles la rosée a suspendu ses guirlandes de diamant,

Blanches fumerolles qui capturent

la lumière hivernale et la structurent,

Voile poudré qui donne forme aux rayons du soleil –

pâles rais captifs qui irisent

le rideau de tulle qui les retient et qui tamise

leur éclat de vermeil.

Pourquoi un tel enchantement dans ce jeu diffus de la matière et de la lumière ?

Peut-être que, par-delà l’esthétique de la chose, mon cœur et tous mes sens vibrent à la matérialisation de ces ondes dont nous avons besoin plus qu’en toute autre saison ? Et rendent grâce à la présence sensible de cette lumière qui nous fait violemment défaut quand, au sortir du lit, nous ouvrons les persiennes sur la nuit, longue encore.

Peur atavique latente que le soleil, un matin, ne se lasse de nous être fidèle …

Mais la lumière est là, presque à portée de main, presque saisissable, retenue par cette vapeur qui monte de la terre, assez tamisée pour que je puisse la regarder en face et m’en rassasier.

Elle est là, transperçant la grisaille de l’aube, surlignant l’architecture épurée des arbres en sommeil et faisant de chaque bosquet une cathédrale saturée d’encens.

Elle est là, doucement scintillante, se diffractant dans les gouttelettes en suspension pour venir caresser au plus large l’herbe des prés et des talus, et la délivrer de sa gangue de gelée blanche.

En somme, dans cet immense de la fusion de l’air, du feu et de l’eau planant sur la terre qui hiberne, je m’enchante de la délicatesse fragile d’une alchimie en équilibre et m’ouvre à la part d’éternité que contient ce fugitif instant de transparence tangible.

 

 

(Photo Radu Florin, Pexels)
Sylvie Mellet

Sylvie Mellet

Retraitée du CNRS où je menais des recherches en linguistique, je consacre désormais une large part de mon temps au taï chi, au yoga, à la randonnée, à la lecture et l'écriture. J'aime marcher sur les chemins en étant à l'écoute des oiseaux, des arbres, du vent et de la lumière, de la vie de la nature et j'aime que les pas fassent naître des mots et que les mots rythment mes pas.

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    7 Commentaires

    • l'heveder jacqueline dit :

      J’aime cette perception sensible de la nature, dans oa matière et son ressenti.

      • Mellet dit :

        Merci, Jacqueline. Il est vrai que pour moi, c’est souvent le regard sur la nature qui porte l’écriture et, réciproquement, l’écriture rendant ce regard plus aigu ou plus accueillant, elle enrichit en retour le réel sensible (ou du moins la perception que j’en ai).

        • Ariane Beth dit :

          Je ressens tout à fait ce que tu formules là, Sylvie : l’écriture, comme art de l’attention au réel (images, comme dans ton beau texte, mais aussi paroles, faits …), enrichit la perception qu’on en a. Et même peut être dans certains cas extrêmes la perception du réel ne peut-elle se dissocier de son double discursif. (C’est mon cas j’avoue malgré tous mes efforts pour accéder à un silence intérieur, une simplicité, qui serait tellement plus reposante …).

          • Mellet dit :

            Heureuse de partager ce ressenti avec toi, Ariane.
            Le silence intérieur survient parfois à la fin d’une séance de yoga. Quand on a pu pratiquer en plein air ou devant une fenêtre ouverte sur la nature et qu’in fine la méditation intègre le paysage, c’est sublime. Mais tellement fugitif en effet, car il est difficile de tenir les mots à distance : il suffit de penser que l’instant est magique pour qu’il s’échappe !…

    • Sophie Chambon dit :

      Sylvie,
      J’ai lu avec intérêt puis plaisir tes phrases et cette attention au réel que tu cultives et pratiques avec talent. Oui, Ariane a raison, c’est un art, un certain talent. Je ne suis pas opposée à ce désir ( ?) d’éclairer les images par une notation de petits faits, remarques…. J’en ai besoin même pour mieux entrer dans le corps du texte.
      Vraiment intéressant ce processus d’ écriture à partir de déclics… Ce qui me fait sentir que je suis loin, très loin de la méditation 😅

    • Mellet dit :

      Merci, Sophie.
      On est tous loin, très loin de ce à quoi on aspire !…

    • Laure-Anne dit :

      « Peur atavique latente que le soleil, un matin, ne cesse de nous être fidèle? »
      Pour ma part, ce que des instants incarnés, comme ceux que tu captures si bien dans ce texte qu’ils naissent dans ma mémoire-imagination, ne sont pas liés à la peur que le soleil ne cesse de nous être fidèle, ni à celle, plus contemporaine et réaliste, qu’il nous brûle ou nous inonde en deux deux tout ce technicolor subtil. Car une des composantes, je crois, du précieux de ces instants, c’est qu’ils sont purs de toute culpabilité, purs de toute peur, lavés au moins dans leur première et intense saisie, de tout sens autre que ce choc quasi électrique d’une offrande de beauté renversante et fugitive, et de la sensation que de cette beauté frémissante de vie nous sommes part, et qui nous demande de vivre d’urgence pour et avec cela.
      Oui ,comme tu le dis bien, redonner à ces éblouissements une existence de mots y accole la possibilité d’en revivre quelque chose, de l’inscrire hors du temps, de lire mieux l’expérience suivante, et inévitablement celle d’y adjoindre du sens ; elle y ouvre aussi aussi la joie du partage avec d’éventuels lecteurs : si peu qu’ils soient, un peu de joie vitale et de souci de la perpétuer continuera à perfuser, extension du domaine de l’admiration, de la conscience de ce qui est précieux. Les photos, les oeuvres graphiques très réussies le font, mais se prêtent avec moins de plasticité il me semble, à l’extension du domaine mémoire-imagination des regardeurs, elle les rendent plus dépendantes d’elles (« on dirait un Turner, ce paysage »)
      La méditation pour moi serait davantage cela qu’une absolue fusion sans mots ni pensées dans l’affect ou la vision. Et l’écriture, par le chemin même du labourage des mots et de la pensée, aide à se débarrasser des mots et phrases toutes faites, juste bonnes à écraser l’épaisseur de la sublime petite pépite de réel venue à notre rencontre. Le souvenir de l’étoile filante nous remet à notre place entre désir d’être et humilité de mortels
      Merci donc, Sylvie de continuer le partage !

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