(Traduction de Claire Morens)

 

     Le combat de longue date pour le droit des femmes et l’amélioration de leur condition a donné naissance à tout un éventail d’initiatives collectives, mouvements et résistances trans-générationnels.

      Parmi la myriade d’efforts des activistes, il en est un qui s’est opposé et confronté à la réalité de la soumission des femmes. S’intéressant aussi bien au droit des femmes à la procréation, qu’à l’image de leur corps et aux violences qu’il subit, un courant féministe actuel concentre son action autour de la notion d’incarnation de la femme pour remettre en cause les constructions sociales et condamner le déséquilibre dans les rapports de force sociaux sur lesquels nos sociétés sont bâties. Trois histoires incroyables d’activistes de par le monde vont nous guider au travers de cette tâche colossale : changer les préceptes sociaux et récupérer le corps féminin une bonne fois pour toutes.

      « Poner el Cuerpo » : un appel à la résistance en Argentine

     Les activistes argentines ont rassemblé leurs actes de résistance dans l’expression « Poner el Cuerpo » qui peut se traduire par « risquer son corps » (Sutton, 2007). Cette expression est à la fois forte et inclusive. Elle transcende classes sociales et races pour mettre en évidence la manière dont les femmes résistent physiquement, font face à l’adversité et transforment les situations sociales oppressives. Cette expression est bien illustrée par les Mères de la Plaza de Mayo, un groupe de mères argentines qui font campagne depuis des décennies pour que le gouvernement s’explique sur la « disparition » de leurs enfants durant la dictature qui sévit de 1976 à 1983.

    Débutant à la fin des années 70 avec un groupe de quatorze femmes, les Mères ont manifesté pacifiquement pour la justice sur la Plaza de Mayo à Buenos Aires. Portant des écharpes blanches, elles ont manifesté en chantant et en brandissant des photos de leurs enfants «disparus» (Curry, 2017). Des milliers de femmes les ont imitées dans les années qui ont suivi. En décembre 2004, neuf femmes de la Plaza de Mayo ont entamé une grève de la faim pour exiger la libération des prisoniers politiques mis en prison durant cette période. Les grévistes ont regardé cette grève comme l’incarnation de leur douleur et de leurs souffrances. Dans un entretien conduit par la sociologue Barbara Sutton, Hebe de Bonafini, l’une des grévistes de la faim, a expliqué que pour des femmes entre soixante-quinze et quatre-vingt-treize ans leur corps était la seule chose qu’elles avaient à exposer, et que tant qu’elles respireraient, elles allaient continuer de poner el cuerpo jusqu’à ce que justice soit rendue (Sutton, 2007).

Notes :

Curry, Richard K. “The First Few Minutes of Spanish Language Films: Early Cues Reveal the Essence.” McFarland & Company Inc., North Carolina 2017.

Sutton, Barbara. “Poner El Cuerpo: Women’s Embodiment and Political Resistance in Argentina.” Latin American Politics and Society, vol. 49, no. 3, 2007, pp. 129–162. JSTOR, www.jstor.org/stable/30130813

Sutton, Barbara. “Bodies in Crisis: Culture, Violence, and Women’s Resistance in Neoliberal Argentina.” Rutgers University Press, New Brunswick; New Jersey; London 2010, pp. 161–190. JSTOR, www.jstor.org/stable/j.ctt5hhzms.9

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