Germaine commence la conclusion de son livre en rappelant que son propos n’est pas de débiner la passion (je serais mal placée pour le faire dit-elle en substance), mais de s’en libérer. C’est un effort, mais paradoxal, pas une tension, mais un détachement. Il s’agit de retrouver la simple présence à soi et au monde que savent vivre les enfants, gage de joie et de liberté.

« Les enfants et les sages ont de grandes ressemblances ; et le chef d’œuvre de la raison est de ramener à ce que fait la nature. Les enfants reçoivent la vie goutte à goutte (…) le présent n’est point dévoré par l’attente ; chaque heure prend sa part de jouissance dans leur petite vie. (…)

Les enfants laissés à eux-mêmes sont les êtres les plus libres ; le bonheur les affranchit de tout. Les philosophes doivent tendre au même résultat par la crainte du malheur. »

(G de Staël. De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations. Conclusion)

Voilà pour l’horizon. Quant à la question du chemin pour y parvenir, Germaine donne sa vision du travail des moralistes (au rang desquels l’inscrit cet essai)

« Loin de moi ces axiomes impitoyables des âmes froides et des esprits médiocres : on peut toujours se vaincre, on est toujours maître de soi (…) Newton n’eût pas osé tracer les bornes de la pensée, et le pédant que je rencontre veut circonscrire l’empire des mouvements de l’âme. »

« Les moralistes doivent être comme cet ordre de religieux placés sur le sommet du mont Saint-Bernard ; il faut qu’ils se consacrent à reconduire les voyageurs égarés. »

Et ce qui lui donne particulièrement voix au chapitre, c’est qu’elle est de ces voyageurs.

« En composant cet ouvrage, où je poursuis les passions comme destructives du bonheur, où j’ai cru présenter des ressources pour vivre sans le secours de leur impulsion, c’est moi-même aussi que j’ai voulu persuader ; j’ai écrit pour me retrouver (…) et généraliser ce que la pensée me donnait d’expérience (…) L’homme est tout entier dans chaque homme. »

Montaignien, non ?

Une communauté de participation à la même nature humaine qui donne toute sa pertinence à la vertu de pitié (on dirait aujourd’hui compassion). Vertu essentielle entre individus, et plus encore dans le domaine politique, surtout dans les époques troublées.

« Lorsque la justice est reconnue on peut se passer de pitié ; mais une révolution, quel que soit son but, suspend l’état social, et il faut remonter à la source de toutes les lois. »

Source de toutes les lois : la protection, en tout être humain, de cette chose si fragile qu’on appelle humanité.

Crédit image : wikipedia. Germaine de Staël en Corinne par Firmin Massot.

Un Commentaire

  • Laure-Anne dit :

    Merci pour ce parcours éclairant et à déguster tranquillement pour sa paisible gouverne, et pour lire et calmer les ardeurs moralisantes de bien des grosses voix du domaine public, qui, sûrs de leur faits et lectures, oublient l’homme pour le bonheur de l’humanité.
    Parcours lu d’un trait pour rattraper mon retard de lectrice trop loin de l’étude souvent…il me faudra y revenir, tant il promet d’accompagner et de soutenir le désir de paix et de bonté. Pour moi plus urgent que le grinçant et si contemporain Cioran.

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