« Il ne faut pas prendre les moyens de la civilisation pour sa fin. La valeur de la machine à vapeur et du téléphone dépend uniquement de l’usage qu’on en fait. » Oscar Wilde (Dans la conversation)

Bien dit. Il faut savoir faire bon usage de toutes les technologies dont nous disposons. Aller grâce à elles à la fin de la civilisation par le plus court chemin.

Ainsi n’hésitons pas à nous concentrer sur notre tablette quand nous sommes au volant. C’est notre doudou, notre objet transitionnel, un porte-bonheur mieux que St Christophe. Grâce à lui et avec un peu de chance, nous offrirons une occasion de se bouger aux feignasses du service d’urgences le plus proche.

De même le progrès dans la civilisation consiste à actualiser certaines formules ringardes. Au lieu du gnangnan « l’amour n’est pas se regarder l’un l’autre mais regarder ensemble dans la même direction », nous oserons le branché « l’amour c’est être assis au restau à pianoter chacun sur son machin sans échanger un mot ni un regard » (sauf naturellement pour l’indispensable « c’est toi qui as ma carte bleue ? » « c’est pas donné quand même ici pour ce qu’on a bouffé »).

Le lecteur-trice trouvera que je caricature ? Soit : je ne méconnais pas que le prurit de pianotage qui peut nous saisir répond à la légitime urgence de relire Proust sans plus perdre de temps, de terminer illico la visite virtuelle du Louvre.

Et puis c’est vrai les objets connectés nous offrent bien d’autres suppléments d’âme, comme inonder les marigots de la Toile de boueux propos racistes, antiféministes, antisémites, ou délivrer au monde, pour en changer la face, la dernière photo de son nombril en gros plan.

Le lecteur-trice, sans perdre patience devant mes exagérations réitérées, me représentera qu’il n’y a pas là que gadget, addiction et défouloir, mais potentiel gain démocratique, élargissement du village mondial et ainsi de suite. ll me dira d’arrêter avec mon pathétique scrogneugnisme. Il est temps de vivre avec mon temps.

Je ne peux qu’admettre le bien fondé de ces propos. Le lecteur a raison. Je suis sur la mauvaise pente.

Faut que je fasse gafa pas virer complètement hasbeen.

4 Commentaires

  • Pierre Hélène-Scande dit :

    « Délivrer la photo de son nombril », l’expression me laisse rêveur: j’imaginerais presque que ce serait exhiber la rupture d’un lien, une coupure profonde… Mais bon, me voilà encore à côté de la plaque!

    • Ariane Beth dit :

      Ah mais oui, c’est pourtant juste, pertinent lecteur : le narcissisme est d’abord une souffrance, une fragilité. On essaie de s’en défendre, et comme on dit, « la meilleure défense c’est l’attaque » …

      • L-A dit :

        On ne peut qu’opiner !
        tristement ou avec colère!
        Sans jeter avec l’eau du bain le bébé qui nous relie quand mm un temps soit peu, au monde, donc à sa lie, soit, mais pas que…
        Et résister: lire écrire partager se parler dans les plus improbables situations et aussi s’y taire…(Cythère?)

  • Ariane Beth dit :

    Merci, Laure-Anne pour ce commentaire qui vient utilement faire antidote à mon scrogneugnisme. Et merci pour tes autres réactions, signe de l’attention que tu portes à mes propos (et à Wilde surtout, qui le vaut bien, lui).

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