« La vie de B. de Spinosa tirée des écrits de ce fameux philosophe et du témoignage de plusieurs personnes dignes de foi qui l’ont connu particulièrement » est l’oeuvre de Jean Colerus, Ministre de l’Église luthérienne de La Haye (1706 texte en français).
L’occasion de faire connaissance avec l’homme Spinoza.
L’homme tranquille
« Pendant qu’il restait au logis, il n’était incommode à personne. » Excellente base pour l’éthique : d’abord ne pas nuire, devise d’Hippocrate.
« il y passait la meilleure partie de son temps tranquillement dans sa chambre. » Oui, comme dit Pascal « tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre. » Perso j’ajouterais deux trois choses comme rivalité mimétique, pulsion de mort et ce qui s’ensuit, mais je dis ça je dis rien.
« Lorsqu’il lui arrivait de se trouver fatigué pour s’être trop attaché à ses méditations philosophiques, il descendait pour se délasser, et parlait à ceux du logis même de bagatelles. »
Normal.
Le mec qui vous écrit une définition de Dieu sans coup férir (éthique part.1 déf.6), qu’est-ce qui l’empêche après de disserter sur les riens quotidiens, le prix du pain, le temps qui fraîchit, ou de raconter la dernière blague qui court en ville ?
Qui peut le plus peut le moins.
La stratégie de l’araignée
« Lorsqu’il voulait se relâcher l’esprit un peu plus longtemps, il cherchait des araignées qu’il faisait battre ensemble, ou des mouches qu’il jetait dans la toile d’araignée, et regardait ensuite cette bataille avec tant de plaisir, qu’il en éclatait quelquefois de rire. »
Oups. On avait l’image d’Épinal sur faïence de Delft, et crac. Asticoter les araignées pour suicider les mouches, ça vous casse une réputation de philosophe. Surtout quand on a pour créneau l’éthique.
On se demande pourquoi Colerus a jugé bon de cafarder à la postérité sur ce sujet somme toute de peu d’importance (deux trois faucheux, une épeire au pire)
En tous cas malgré ce manque d’empathie pour les affects de l’araignée ou les flottements d’âme de la mouche (Schopenhauer ajoute il semble n’avoir pas du tout connu les chiens), Spinoza ne souscrivait pas à la conception cartésienne des animaux-machine.
Mais bon on va pas s’emberlificoter dans ce débat.
Colerus voulait-il montrer comment Spinoza affinait, joignant l’utile à l’agréable, sa conception du conatus perseverare in suo esse ? Conatus sera expliqué à …? à C, oui bravo !
Vous avez intégré le mode géométrique.
Définir Dieu ou refaire le monde, tuer les mouches et détester les araignées, un type banal comme nous tous et nous toutes, ce Baruch. Et peut-être même buveur de bière, ajouterait mon collègue, le valet de chambre.
Je confirme. Il buvait des bières en parlant Descartes avec ses copains, dans les rades d’Amsterdam. Et il fumait la pipe le soir auprès du poêle, en compagnie de ses logeurs.
Moi qui suis une amie des araignées comme le cher Victor H, je passerai outre par respect pour son aptitude au recueillement, à la bière, aux gamineries (moi je mettais des escargots en compétition mimétique de vitesse dans une boîte aux lettres, malgré ma débonnaire nature), et aurai été bien incapable d’écrire une éthique…
Il ne lui manquerait pas un peu une amoureuse, à cet homme parfait?
J’aime aussi les araignées et les laisse vivre leur vie (mais ce n’est pas entièrement vertueux c’est aussi que j’ai horreur des mouches …). Pour l’amoureuse, tu ne crois pas si bien dire, on y viendra bientôt … Merci de ta lecture.
Bière, pipe et amoureuse, c’est décidément un type de philosophe très incarné, ce Baruch !
Colerus cafarde , Baruch asticote les araignées et on ne peut pas dire de lui qu’il ne ferait pas de mal à une mouche mais Ariane ne s’emberlificote pas dans le fil de de la toile tout en la tissant avec une belle légèreté.
Oh c’est gentil, ça ! J’espère ne pas trop décevoir dans la suite à ce propos, car la légèreté, toujours cherchée, oui, sera parfois disons laborieuse (densité des concepts oblige). Mais bon Spinoza vaut la peine autant que le plaisir.
Oui, et puis arrivé en haut de la montagne, on voit le joli panorama.