EPHEMERA
Naïve/Auvidis
en hommage à Jacques PELLEN
Si la scène musicale bretonne et plus précisément brestoise ( du Quartz au Mac Orlan sans oublier le Vauban) était sous le choc, en apprenant la disparition, en avril dernier, du guitariste jazz, Jacques Pellen, cette nouvelle n’a pas fait l’objet d’une annonce sur les media non spécialisés; pourquoi y ai-je repensé ce matin, en entendant la fin, à peu près au même âge, d’Eddie Van Halen, virtuose de la six cordes, dans ce genre toujours spectaculaire du hard rock?
Je me suis alors souvenue d’un album de Jacques Pellen que j’avais beaucoup aimé, à l’époque de sa sortie, en novembre 2003. C’est encore un disque de saison. Comme je m’interrogeais lors de la première écoute sur cette résonance immédiate, cet attrait irrésistible pour des ritournelles sous influence, pour notre plus grande jouissance, j’avais écrit ces lignes :
« Jacques PELLEN aime à se jouer des modes et des temps, et avec cet Ephemera, nous invite à une découverte imaginaire, un voyage en terres bretonnes. Un titre oxymorique que l’on pourrait citer en exemple, tant rien n’est plus solidement et fièrement enraciné dans les racines d’une terre sauvage et libre que la celtitude.
Comment un jour se découvre-t-on celte? Laissons Michel Le Bris (encore que ce pourrait être du Mona Ozouf) dire qu’ “en guise d’initiation, il n’y eut ni mythe, ni langue, ni histoire, juste ce que chuchotaient les vagues et le vent sur le rivage de Bretagne où il était né…”
C’est exactement ce que l’on ressent à l’écoute de ce disque où des musiciens d’horizons divers, se rencontrent au confluent du jazz et de la musique traditionnelle bretonne. Façonnant un imaginaire universel, la musique celte impose sa signature avec des valeurs sûres, une instrumentation aux timbres originaux, un je ne sais quoi de rugueux dans les voix, des nappes cristallines, de légers scintillements et sourds bruissements. La guitare harpe de Jacques Pellen célèbre l’Ankou et sa mystique aux “Tombées de la nuit” sur l’Armor.
Ainsi la “celtattitude” aura-t-elle pris tout son sens pour les deux Italiens qui s’embarquèrent au long cours avec Pellen pour capitaine, à savoir l’un des derniers contrebassistes de Chet, Riccardo Del Fra et le trompettiste sarde de Berchidda, Paolo Fresu, sans oublier le Hongrois et batteur Peter Gritz. En ajoutant les voix d’Annie Ebrel et d’Erik Marchand, l’orgue et les claviers de Patrick Peron, tous ces musiciens se réunissaient alors dans l’affirmation que la musique n’a pas de frontières.
L’ensemble de ces fils tressés dessine un monde de lisières, en marge du passage, dès les premières compositions ancrées dans la tradition, “Spires”, “Tremen”, “Aman”, jusqu’aux deux compositions phare, le lancinant “Melezour-Dour” aux accents résolument jazz et ce “Letani”, traditionnel sans rythmique, arrangé superbement sur près de onze minutes pour une trompette qui s’étire comme une aile, en longues notes, suspendues au récitatif d’ Erik Marchand que prolonge une guitare soudainement saturée. C’est en effet la voix qui scande l’espace de ce périple initiatique vers les rivages celto-jazz.
Avec pour conclusion, un clin d’oeil au maître du folk, le barde Zimmermann et à son “Mr Tambourine man”, qui vient peut être nous rappeler qu’il y a toujours une “cause”- le mélange des genres? à défendre. Si les temps avaient changé, la musique advenait fluide et délicatement ourlée. Pas étonnant alors de découvrir sur la pochette une frêle libellule qui semble s’envoler, à moins qu’elle ne vienne se poser, gracieuse, à l’image de cette musique de l’instant.
NB : Si vous avez envie d’entendre d’autres compositions de ce musicien, volontiers en retrait et pourtant actif, leader et compositeur pour le Big Band Celtic Procession, écoutez peut être son dernier album, A-hed an aber («Sur les rives de l’aber»), l’Aber-Ildut, son repaire dans le Léon, sorti en 2018.
Ce sera ma prière.
Voilà un bel hommage, bravo, il doit être content, là haut ! Je suis allée écouter, parfois avec grand plaisir, ce mélange de bretonneries, de belle technique, et de créativité, avec des émotions inégales, mais beaucoup d’intérêt.
Merci de ce retour encourageant….j aimerais en effet qu’ il soit possible au peuple d’en haut de nous entendre, de nous suivre. Thème de certaines fictions par ailleurs..
Sinon, des émotions inégales évidemment tant notre subjectivité est primordiale. D’ où l’intérêt d’écouter à plusieurs reprises plutôt espacées et aussi, plus difficile de tout écouter du moins d’un disque dans l’ordre conçu… On ne lit pas un chapitre d’un livre au hasard, même si Pennac nous a « autorisé » à ne pas tout lire, à s’ arrêter avant la fin….