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un mardi, il pleut
dans le bus une femme
imposante la peau noire
elle se tient debout
accrochée à la barre
et chante d’une voix haute et claire
quelque chose d’étrange
ça ne peut pas être une chanson
tout le monde évite de la regarder
j’ignore pourquoi elle me console de quelque chose
je lui adresse un sourire
qu’elle n’a pas vu

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par la fenêtre jeudi
vu un jeune garçon en survêtement lacoste
tendre le bras par-dessus la clôture pour cueillir une rose
– il s’éloigne en la faisant tourner entre ses doigts

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à une heure et demi du matin vers le métro jacques bon sergent
quelqu’un me prend par le bras et me fait peur
en fait ils sont deux, un homme et une femme
ils sont vieux elle porte un anorak et un sac à main et s’accroche à lui
qui ne porte rien
ils s’appellent Michel et Denise
on dirait des grands-parents
ils me demandent est-ce que vous connaissez paris est-ce que vous
savez où nous pouvons passer la nuit
ils ont l’air perdus
l’ivresse redescend d’un coup
on va d’hôtel en hôtel à la recherche d’une chambre libre
que je finis par payer avec ma carte bleue
lui m’a montré l’hématome sur sa joue et énuméré les choses qui lui
ont été volées
et je sens bien qu’il voudrait que je pose des questions mais je n’ai pas
envie de parler de ses agresseurs je ne veux pas qu’il me les décrive je
sens qu’il veut me dire qu’ils étaient noirs ou arabes
il me dit que la police n’a rien fait mais a été très bien
en fait ils sont à paris pour des examens de santé
récemment Michel a eu un œdème pulmonaire
(comme mon amie Claire qui est morte il y a quelques mois, j’ai mal
au cœur)
je leur laisse ma carte professionnelle avec mon nom et mon numéro
de téléphone
ils promettent de me rembourser
qu’on ira boire un chocolat
place de la nation
et bien sûr depuis personne ne m’a appelée

 

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on my way south, i was reading something in english when i felt the
bump
the train shook with an iron noise like a cry or something broken
maybe some trees fallen after the storm or stones from the hills nearby
we rocked left and right
then stopped
and were told to remain seated
it was someone laying down on the tracks
and i thought, why
on the first day of summer
minutes later a police man stood close to me
holding the dead person’s car keys
probably just drove here and knew the timetables he said on the phone
could not help but look at the picture dangling from the keychain
– four blond kids, smiling
we stayed inside for two hours not being able to go out
i could have walked home but they would not let me
not hungry – gave my free meal to a young man
he was telling a stranger how he recently learnt about his son
two years ago just a one-night stand and the girl she did not tell him
before
i pretended not to listen, stuck my forehead on the window
it was all so uncanny, the warmth, the white butterflies, the morning
sun

Camille Ruiz

Camille Ruiz

Camille Ruiz est née en 1991 et a grandi dans un petit village de la Drôme. Aujourd'hui installée au Brésil, elle écrit des journaux, des nouvelles, des chansons, de la musique pour un podcast de musique brésilienne. Certains de ses textes ont fait l'objet de publications en revue et son premier livre "Perdre Claire" sort aux éditions Publie.net en septembre 2021. https://camilleruiz.wordpress.com/

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    Un Commentaire

    • Laure-Anne F-B dit :

      Très beau triptyque, c’est bon de lire, de partager l’empathie de l’empathie, si simplement…

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