Des objets fétiches et des péripéties universitaires

Présentez-vous (2020), livre accordéon, 12 x 17 cm, 68 pages

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Partout, je transporte avec moi des objets : porte-bonheurs, fétiches, symboles de ma mémoire et de mon histoire de vie. Une paire de boucles d’oreilles achetées avec mon premier salaire, un pendentif à l’effigie d’un de mes groupes de musique préférés, un doudou, une pièce de puzzle trouvée par Alice, un billet d’entrée de musée visité avec Orni, une carte postale de Fabien, un recueil de poèmes offert par Max. Présentez-vous prend la forme d’un livre-accordéon sur la thématique des objets fétiches. Je sais que je ne suis pas la seule à ne pas parvenir à me séparer d’un ou plusieurs objets pour des raisons personnelles diverses et variées, toutes étant liées à des émotions ou à un moment vécu.

Présentez-vous est d’abord un appel à participation publié sur les réseaux sociaux. Je crois qu’il est important d’utiliser, à notre époque, et vu les évolutions techniques de celle-ci, les outils numériques qui sont mis à notre disposition, dans le but de produire une forme d’écriture de soi. L’objectif ultime de cet appel était alors la mise en place d’un dispositif numérique permettant le dévoilement de soi, dans des temps où celui-ci était empêché. Le contexte social français de l’année 2020 m’a poussée à me questionner sur la nature des relations humaines. Je me suis demandé comment nous pourrions nous présenter différemment à autrui lorsque la communication humaine était rendue compliquée.

Le 16 mars 2020, je publie, en ligne, un Google Form. C’est un outil permettant la mise en place d’enquêtes et de sondages. Un court texte l’introduit :

« Choisissez un objet important pour vous.

Souvenir du passé, il vous rappelle un moment de votre vie, une personne particulière, un petit quelque chose qui fait que vous ne pourrez jamais vous en séparer.

Cet objet vous représente. Cet objet est votre symbole.

Décrivez les caractéristiques de cet objet.

Votre participation est anonyme.

Rien ne vous oblige à remplir l’intégralité de ce formulaire.

Visez une précision la plus profonde au maximum de vos possibles. »

Mon questionnaire a pour objectif de produire une description d’objet en suivant les règles que j’impose aux participant(e)s : type d’objet, forme, taille et/ou dimensions exactes lorsque cela est possible, couleurs, aspect extérieur et fonction de l’objet. Trois questions sont posées : « depuis quand possédez-vous cet objet ? », « d’où provient-il ? » et « à quoi vous fait-il penser ? ». Chaque participant(e) reste anonyme ; en remplissant ce formulaire Google, l’auteurice m’offre le privilège de plonger dans un univers intérieur qui m’est inconnu, qui me sera plus ou moins dévoilé, et me donne l’autorisation de faire apparaître son texte dans ma collection. J’ajoute une section finale destinée à accueillir d’éventuels commentaires personnels supplémentaires sur l’objet. J’inclus également un exemple de réponse en-dessous de chaque question, dans le but de guider le type de réponse attendu. Ces exemples sont mes propres réponses à ce formulaire. Il y a donc un paradoxe volontaire ; même si je pose des contraintes claires dans les champs à remplir, j’indique clairement qu’un(e) participant(e) ne sera pas obligé(e) de répondre à une question s’iel ne le souhaite pas.

L’anonymat garanti offre plus ou moins de facilité. Plus ou moins de pudeur. Plus ou moins de limites dans le dévoilement de soi.

L’appel à participation a d’abord été partagé dans mes cercles d’ami(e)s et d’abonné(e)s. Progressivement, il s’est propagé au point où je ne pouvais plus deviner qui se cachait derrière tel objet, qui se présentait ainsi à moi. Je ne pouvais plus associer un nom à un objet en fonction des mots utilisés pour le décrire.

La sélection des descriptions a été soumise à la date limite de remise de mon travail universitaire. Cependant, je n’ai toujours pas clôturé le formulaire à ce jour, si bien qu’au-delà des 34 objets présentés dans ce livre, 70 autres sont archivés en privé, là où saura s’assouvir ma curiosité. J’ai donc été contrainte de choisir un échantillon d’objets à inclure dans mon livre. Pourquoi en avoir choisi 34 ? Je ne m’en souviens plus. Probablement pour des raisons pratiques, peut-être parce que je n’avais plus suffisamment de papier calque sur lequel les imprimer et plus d’argent pour en acheter, peut-être parce que je n’avais plus le temps ni l’envie de poursuivre cet objet. J’ai exclu les réponses de mes proches qui m’étaient trop reconnaissables et j’ai supprimé les messages provocateurs et autres trolls (il y en a toujours sur Internet), puis j’ai sélectionné les 34 premiers objets qui m’ont été confiés.

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