« Particulièrement vers son terme, la vie rappelle la fin d’un bal masqué, quand on retire les masques. On voit à ce moment quels étaient réellement ceux avec lesquels on a été en contact pendant la vie. En effet, les caractères se sont montrés au jour, les actions ont porté leurs fruits, leurs œuvres ont trouvé leur juste appréciation et toutes les fantasmagories se sont évanouies. Car il a fallu du temps pour tout cela. »
Schopenhauer (Aphorismes sur la sagesse dans la vie)
C’est marrant avec Schopenhauer, on est toujours devant le fameux verre à moitié vide ou à moitié plein. Si j’étais taquine, je dirais qu’il avait peut être des côtés plus hégéliens qu’il ne voulait le dire ou le croire.
Parce que bon, le principe de la dialectique hégélienne c’est quoi sinon :
a) ce verre est vide. Globalement. Plutôt.
b) bon OK il est quand même un peu plein. Si on veut.
c) vous savez quoi ? On va dire qu’il est plein de vide et/ou vide de plein, ce foutu verre. Ouais. Voilà.
Exemple. Que penser de la proposition : La vie est un bal masqué ?
1ère partie (verre à moitié vide)
La vie est un jeu de dupes où tout le monde fait semblant
a) pour se croire quelqu’un de bien
b) pour manipuler les autres
c) pour les deux.
Le mieux qu’on ait à y faire, c’est d’avoir à la main une coupe de champagne, à remplir dès qu’elle se vide.
Il est conseillé de bien choisir son masque, parce qu’à mon humble avis (différent de celui de Schopenhauer tant pis) au bout d’un certain temps, on finit toujours par lui ressembler.
Le sentiment qui dominera à la fin sera le ressentiment sous la forme de
a) remords
b) regret
c) les deux.
2ème partie (verre à moitié plein)
La vie est une fête sympa où l’on peut s’éclater à danser, où l’on se divertit à regarder les masques, à deviner ce qu’il y a dessous. Sous les beaux, les qui font peur, les moches ou ridicules, les tristes et les rigolos. Et quand on les enlève, le divertissement finit en beauté, c’est une apothéose de surprises.
Bref la vie c’est cool. On a bien brisé quelques verres, mais comme un éclat de rire. Et de toutes façons il en reste assez pour finir le champagne.
3ème partie (plénitude vide et vacuité pleine)
Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse. L’habit ne fait pas le moine. Mais le masque fait-il la personne ?
Que dirons-nous d’un moine masqué ?
Qui se déguise en renard portera-t-il un loup ?
Conclusion (on va pas y réveillonner, parlons d’autre chose)
Ce passage m’évoque (est-ce voulu par Schopenhauer ?) le Don Giovanni de Mozart. Masques et faux semblants, amour donné et trahi, manipulations. À la fin le face à face avec le Commandeur.
Et tout le temps du bal cette musique, inouïe.
Dans laquelle pourtant on se reconnaît.
Image par elizadiamonds de Pixabay
Absolument lumineux Ariane. Arthur paraît simple à te lire, quand tu l’as démasqué…à partir de cette expression si évidente pour tous : le verre à moitié plein…ou/ et vide.
Et je te reconnais bien là avec la musique de Mozart en final. Bravissima!
Merci de ta lecture, Sophie. Je lis pour ma part avec intérêt tes évocations jazziques, mais suis bien incapable d’en dire quelque chose hélas (mais j’en parle à des oreilles plus éclairées que les miennes) .
Oui, très belle conclusion ! 🙂
Oui, bien choisir son masque, persona, ou être diantrement souple et professionnellement hypocritès, acteur ; je ne crois pas qu’on le choisisse au hasard, quelque chose de soi doit s’y projeter, fût-ce un obscur désir de se séparer d’un soi qu’on méprise, enfile-t-on des chaussettes qui grattent? pas longtemps, non?
La question est donc de savoir s’il y a quelqu’un là dessous, et c’est là le mystère et la surprise, parfois bonne, Amadeus (et alors..champagne !!) parfois mauvaise, Arthur, de chaque rencontre, de chaque acte posé, de chaque mise à l’épreuve de soi ! Car le verre à moitié vide ou à moitié plein ne dit rien du breuvage qu’il contient, champagne, peut-être, et parfois huile de ricin… et dans ce cas on peut penser que s’inverse le sens de la plénitude et du vide.