« Ce qui nous est habituellement offert comme explication par les auteurs traitant de sociologie et de psychologie des foules, c’est toujours la même chose, quoique sous des noms changeants : le mot magique de suggestion. »

(Freud. Psychologie des foules et analyse du moi chap.4 Suggestion et libido)

(Parmi ces noms changeants il cite contagion, imitation).

Le concept de suggestion a gêné Freud dès le début, dit-il, lors de son séjour en France, devant les expériences d’hypnose de Bernheim. « Je n’ai pas perdu le souvenir d’une sourde hostilité qu’alors j’éprouvais déjà contre cette tyrannie de la suggestion ». En effet, « c’était là injustice patente et acte de violence envers le pauvre malade accusé de se contre-suggestionner » s’il n’était pas bon sujet hypnotisable.

Au plan théorique, le reproche était que « la suggestion, qui expliquerait tout, devrait elle-même être dispensée d’explications. » Et pour lui la génération spontanée d’un concept est forcément louche (genre imaginer Oedipe né dans un chou).

Trente ans après, Freud pense avoir trouvé un concept plus satisfaisant, « qui nous a rendu de si bons services dans l’étude des psychonévroses. Nous désignons par libido l’énergie, considérée comme grandeur quantitative – quoique pour l’instant non mesurable –, de ces pulsions qui ont affaire avec tout ce que nous résumons sous le nom d’amour. »

Après le mot magique, le concept miracle, à voir l’extension du domaine de la libido : l’amour sexuel mais aussi « l’amour filial et parental, l’amitié et l’amour des hommes en général (et) même l’attachement à des objets concrets et à des idées abstraites. »

Un miracle de synthèse : « toutes ces tendances sont l’expression des mêmes motions pulsionnelles, qui dans les relations entre sexes poussent à l’union sexuelle, et qui dans d’autres cas sont certes détournées de ce but sexuel ou empêchées de l’atteindre, mais qui n’en conservent pas moins assez de leur nature originelle pour garder une identité bien reconnaissable (sacrifice de soi, tendance à se rapprocher). »

Ce concept-clé a valu à son auteur, de la part de la majorité des gens cultivés, le reproche de pansexualisme. Il le note ici comme un discret (ou pas) clin d’œil à son courage intellectuel et son anticonformisme.

Puis, revenant à ses foules moutonnières : « Nous allons donc maintenant risquer l’hypothèse que les relations amoureuses (en termes neutres : liens sentimentaux) constituent également l’essence de l’âme des foules. »

image par David Mark (Pixabay)

Un Commentaire

  • Laure-Anne FB dit :

    Voyons donc voir comment il démontre cela, même si on peut supposer quelques entrées dans la démonstration…

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