« La sociologie est un sport de combat ».

Dans un documentaire, Bourdieu dit cette phrase au sortir d’un échange musclé avec des jeunes en banlieue. Le film date d’une vingtaine d’années, mais la phrase reste actuelle, les propos de Bourdieu à ses interlocuteurs aussi.

En substance : oui vous êtes aux prises avec l’inégalité, la discrimination. Mais cela ne doit pas vous servir d’alibi, faites votre part du chemin. Il les incite en particulier à profiter de l’école, de l’énergie des enseignants qui assument avec vaillance leur mission d’éducateurs et de passeurs culturels.

L’enseignement aussi est un sport de combat.

Et la philosophie. Et la science. Et l’art. Tout ce qui contribue à catalyser lucidité et puissance de penser, à résister aux a priori et à l’aliénation, à construire de la liberté.

En philosophie, si tous les domaines méritent un engagement, nihil novi depuis Spinoza : le lieu majeur du combat est l’éthique.

C’est pourquoi le schéma de son livre est celui d’une guerre de libération. Le plan d’une campagne pour passer de la servitude à la liberté.(1) Observer les forces en présence, les modes d’aliénation (superstition, finalisme, affects débilitants de tristesse), pour constituer le bataillon de l’intellect qui doit les affronter.

C’est lui qui détient la clé de la victoire, mais à condition de savoir pratiquer l’esquive, le dégagement en souplesse, pour désamorcer la violence de l’adversaire.(2)

Comme tout sport de combat, tout sport en général, l’éthique repose sur l’entraînement, la pratique. Sur l’intégration d’un enchaînement de gestes. L’éthique a ses katas.

Et tel est celui de Maître Spinoza :

« Par le pouvoir d’ordonner et d’enchaîner correctement les affections du corps nous pouvons faire de n’être pas aisément affectés par des affects mauvais.

Donc le mieux que nous pouvons faire aussi longtemps que nous n’avons pas la connaissance parfaite de nos affects (en pratique soyons clairs qui y arrive ?), c’est de concevoir la droite règle de vie, autrement dit les principes de vie certains, de les graver dans notre mémoire afin que notre imagination s’en trouve largement affectée et que nous les ayons toujours sous la main. » (part.5 scolie prop.10)

  1. part.4 « la servitude humaine, autrement dit la force des affects » et part.5 « la puissance de l’intellect, autrement dit la liberté humaine »
  2.  Voir à ce propos le livre de Maxime Rovère « Que faire des cons ? (pour ne pas en devenir un soi-même) » (Flammarion 2019)

 

 

 

 

 

 

 

Photo par MLWatts — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=46079100

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