Y a des moments Colerus il l’est un peu.

« On a fait tant de différents rapports, et si peu véritables, touchant la mort de Spinosa, qu’il est surprenant que des gens éclairés se soient mis en frais d’en informer le public sur des ouï dire, sans auparavant s’être mieux instruits eux-mêmes de ce qu’ils débitoient. »

Mais la rumeur ne passera pas par lui ! Il s’emploie à réfuter le tissu de fables et de mensonges qu’il trouve par ci par là.

Exemple Spinoza serait mort de peur, suite à la menace d’être embastillé dans notre doulce France qui n’était pas encore celle des Droits de l’Homme. Loufoque, non ? Heureusement que Colerus n’était pas du genre à mourir de rire, sinon y aurait eu du dégât collatéral dans l’air.

Non lui ce qui l’ennuie vraiment c’est qu’on raconte que  :

  1. « (durant son agonie) ces propres paroles lui étaient sorties de la bouche une et même plusieurs fois : O Dieu aye pitié de moi misérable pécheur « 
  2.   » il tenait auprès de soi du suc de Mandragore tout prêt, dont il usa quand il sentit approcher la mort « . 

« Un homme traite les religions de superstitions, retire à Dieu son statut de tout puissant providentiel. Tout ça pour l’appeler au secours devant la mort ?  N’importe quoi ! »

Ça, c’est ce que dit en substance un autre biographe de Spinoza, Lucas, qui lui tresse plein de louanges pour son dévouement à la cause de la vérité.

Colerus en reste au factuel : les gens qui étaient avec lui n’ont pas entendu ces mots. Mais il ajoute « il n’y a pas d’apparence non plus qu’elles soient sorties de sa bouche, puisqu’il ne croyait pas être si près de sa fin ». Sous entendu : « s’il s’était su à l’article de la mort, va savoir si le grand Spinoza n’aurait pas in extremis ratifié ma foi de Colerus ? »

C’est ce qui s’appelle se donner le bénéfice du doute.

Quant à l’histoire de la mandragore, il ne cherche pas non plus à argumenter sur le fond. Comme quoi précipiter sa fin, dans la perspective du conatus perseverare in suo esse c’est un peu limite. Ou pas ? En tout cas ça se discuterait.

Il se contente de mentionner le mémoire de l’apothicaire pour les médocs, Spinoza étant mort avant de pouvoir régler la note. Entre nous ça fait pas trop de pub audit apothicaire je tairai son nom y a prescription (quoique Colerus lui n’hésite pas à balancer). « On n’y fait aucune mention ni d’opium ni de mandragore ».

Bref, dit Colerus, voici ce qui est sûr. Spinoza la veille de sa mort, comme il ne se sentait pas très en forme, « après avoir fumé une pipe de tabac s’alla coucher de bonne heure ». (Comme Proust en quelque sorte. Sauf que Proust ne fumait pas mais faisait des fumigations contre son asthme).

Personne ne s’inquiéta outre mesure, ils avaient l’habitude de le voir en sale état, car « il était d’une constitution très faible, malsain, maigre, & attaqué de phtisie depuis plus de vingt ans. » Mais voilà le lendemain la phtisie a fini par le tuer. C’était le 21 février 1677, il avait 44 ans. Pas si mal pour un phtisique à l’époque.

Reste une question, direz-vous lecteurs, qu’il ait dit ce mot ou pas à l’article de la mort, qui est Dieu au fond pour Spinoza ? Eh bien réjouissez-vous, la prochaine fois vous irez d’illuminations en eurêkismes, avec N comme … comme ? (Trop fort le suspense).

Photo par MLWatts — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=46079100

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