A la manière de …
Juste au-dessus de l’horizon, en un large cercle, les nuages forment un ruban ajouré, telle une passementerie entrelaçant de multiples nuances de gris-bleuté et trouée d’ajours pastel. A la lisière du ruban quelques cumulus soyeux émergent par endroits et, captant les rayons du soleil déclinant, forment un feston d’un blanc étincelant.
Mais si l’image de la broderie rend justice à la mouvance, à la souplesse de ce liseré de nuages, elle a quelque chose de mièvre qui ne convient pas. Elle ne permet pas non plus de comprendre comment cet anneau de nubosité, épais et néanmoins fragile, donne l’illusion de soutenir la coupole translucide d’un ciel demi-sphérique dont l’azur s’éteint peu à peu avec le soir. Peut-être alors vaudrait-il mieux parler de frise ? (Corniche serait trop rigide). Frise à la base du dôme céleste, que la survenue de la nuit transformera bientôt en une litre funéraire.
Mais là encore, est-ce bien cela ? N’est-ce pas trop sacraliser – et par là-même immobiliser – un simple agencement atmosphérique fugace ?
Le mieux serait d’éviter toute comparaison et de dire simplement les gris ardoise, les gris violine, l’anthracite et le doux gris souris, mais aussi le gris sulfureux qui se salit au crépuscule, mais aussi le blanc candide comme neige (encore un « comme » qu’on pourrait éviter !), et leurs volutes qui sans cesse se métamorphosent tandis que le bleu du ciel gagne en transparence.
Ce tableau éphémère qu’un peintre saurait immortaliser, il me faut le traduire en mots pour tenter de fixer une impression. Il me faut l’écrire car je ne sais pas dire ce chant de la lumière, cette énigmatique beauté qui captive le regard et point le cœur. L’écriture est mon pinceau. Et, par ces mots – maladroits sans doute –, tenter aussi d’appréhender un ordre physique, un cosmos, dont l’homme n’est pas partie prenante, mais qu’il lui est donné de percevoir fugitivement quand quelques nuages et un dôme céleste lui ouvrent une baie sur la juste harmonie du monde.