Donc, écrire de la main gauche,
pour un droitier s’entend.
Quelle aventure ! Quelles découvertes !
D’abord, les doigts servent à tenir le stylo et non à former les lettres, comme je m’obstinais à le faire sans succès mais non sans erreur. Les lettres, on les forme avec le poignet ; sauf qu’au début, mon poignet, je ne le sentais pas ;
il a fallu que j’apprenne à le sentir, à en avoir conscience, afin de maîtriser les mouvements exigés par des lettres aux contours parfois très contrastés. C’est pas du gâteau, franchement, j’ai ramé ! Le poignet, de plus, doit effectuer un glissement latéral, de gauche à droite dans notre culture, afin d’assurer la progression de l’écriture sur la ligne, tel un navire au fil de l’onde ; ça non plus, ce n’est pas de la tarte.
Enfin, il est essentiel de prendre un appui ferme en posant le bas de l’avant-bras sur le bord de la table, ou bien le bord de la main sur le plein de la table -comme un rameur qui loge sa rame dans le tolet-
afin d’éviter ces mouvements erratiques qui,
d’une part,
vous conduisent à un tracé tremblant comme une écume,
d’autre part,
vous entraînent dans des dérapages et des remous imprévus ;
comme si votre main n’en faisait qu’à sa tête
et prenait un malin plaisir à vous éclabousser
de ridicule à vos propres yeux…
En somme, pour un droitier, écrire de la gauche, c’est voyager dans une barque qui a un fort penchant à choisir ses directions elle-même.
L’aventure, quoi !
J’ai adoré essayer ce sport, en pure perte dans mon enfance ; chou blanc, mais marrant; ça me donne envie de réessayer.