Il poeta sei tu che leggi (= Sois le poète, toi qui lis)

Cette phrase a été taguée sur un mur de Milan en 2012. Dans « Tiens ils ont repeint ! » (La Découverte) Yves Pagès a recensé des aphorismes urbains, tags et graffitis, produits de 1968 à nos jours.

Ce recueil fait percevoir les évolutions du climat social et politique en 50 ans. Et suscite à ce titre moult réflexions sociologiques, historiques, politiques. Lecteurice, tu pourras t’y adonner à ta guise.

Je ne sais si la phrase ci-dessus est du tagueur (de la tagueureuse) ou s’il s’agit d’une citation. En tous cas elle est belle et vraie. Le lecteur qui sait lire est toujours poète, c’est à dire créateur. La créativité de son acte de lecture prolonge la créativité de l’auteur. Et sa fantaisie.

Un petit pois sur 10 est une carotte (Paris 2° 2012)

Et en plus on n’additionne pas les choux et les asperges. Mais ne peut-on concevoir une tolérance concernant l’addition des choux et des brocolis ? Sauf que les grosses légumes manient la carotte et le bâton. La proportion de bâtons dans les petits pois est-elle un indicateur du degré de démocratie d’une société ? La proportion de gens prêts à poireauter pour un navet est-elle un indicateur du niveau culturel dans une société ? Une cervelle sur combien est un pois chiche ?

« Les petits pois ne se cuisinent pas à la cervelle mais au lard ! » Ah oui pardon où avais-je la tête. Au fait, la proportion de gros lards dans les mangeurs de petits pois est-elle un indicateur de l’état de l’élevage porcin dans une société ? L’essentiel reste que les p’tits pois les p’tits pois les p’tits pois c’est un légume bien tendre.

(Oui mais les patates dans tout ça ?)

Perdu mouche aux yeux rouges (Rennes 2010)

Un coup de l’araignée au plafond ? Voici en tous cas une tagueureuse (tagueur) inspirée qui, en cette jolie variation sur les avis de disparition apposés à tous les coins de rue, libère la poésie du quotidien, et fait accommoder le regard sur le petit, l’infime, l’insignifiant. C’est comme si le mur lui-même prenait la parole, laissant suinter sa plainte à petite voix lézardée d’émotion.

Oh la caresse si légère de tes pattes de mouche sur mon crépi brut, oh le doux zinzin de tes ailes à mes oreilles, oh tes yeux rouges dans le soleil couchant.

Bon peut être ça marcherait pas à tous les coups, c’est vrai que dans le genre « perdu scolopendre aux pattes tendres » « perdu pou mou du genou » « perdu acarien qui m’était pas rien », ça rendrait pas tout à fait pareil.

Assez d’actes des mots ! (Paris La Sorbonne mai 68)

Tu l’as dit, camarade. Des mots, des mots !

Et des beaux ! À bas les mots laids !

Et des vrais ! À bas les bas mots !

Et des partageux ! À bas les demi-mots !

Et des subtils ! À bas les gros mots !

Et des gentils ! À bas les mots-biles !

Et des neufs des fols des libres ! À bas les normes-mots !

Oui mais faudrait pas nous laisser démobiliser par les grands mots …

Tu l’as dit, camarade, mobilisons-nous pour les grands remèdes !

Assez de maux, des actes !

À bas les vils agissements ! À bas les actions en bourse !

Vivent les actes gratuits !

Oui mais euh gaffe quand même aux passages à l’acte …

Tu l’as dit, camarade : assez d’actes, des mots !

Euh … Oui mais euh …

Ta gueule, camarade !

Photo Mabel Amber, who will one day de Pixabay

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